Ces ondes qui menacent notre sommeil

 

Le sommeil constitue un élément déterminant pour la santé des petits et des grands. Sa quantité et sa qualité impactent directement sur notre capacité attentionnelle, notre humeur, notre comportement et même notre métabolisme… Lorsqu’on s’interroge sur les facteurs environnementaux susceptibles de perturber le royaume de Morphée, les inquiétudes se portent inévitablement sur les ondes qui nous assaillent jour et nuit. S’il est légitime de les surveiller, certaines ont déjà fait preuve de leur nocivité sur le sommeil alors que d’autres nourrissent de nombreux fantasmes… Et si les plus néfastes n’étaient pas celles que l’on redoute le plus ?

 

Lorsqu’on évoque les supposés effets nocifs des ondes sur le sommeil, les regards inquiets se portent spontanément sur la pollution domestique électromagnétique à laquelle les nouvelles technologies nous confrontent de façon exponentielle.

Les levers de boucliers contre le nouveau compteur électrique « Linky » d’ErDF illustrent bien les appréhensions engendrées par ce qui a trait aux ondes invisibles… Préoccupés pour leur santé, les usagers en oublieraient presque de se méfier des répercussions financières de ces nouveaux dispositifs sur celle de leur porte-feuille. Même lorsque l’aspect pécuniaire est évoqué pour condamner ce nouveau dispositif, il est noyé dans un flot de considérations sanitaires, au relant complotiste – Au risque de lui ôter son bien-fondé initial. On pourrait presque croire qu’ErDF tire profit des propos ésotériques tenus par des associations alarmistes censées représenter les usagers… c’est a en devenir conspirationniste à son tour 😉 !

 

Si l’exposition attribuable au compteur « Linky » est négligeable, on ne peut en revanche nier les multiples autres sources d’ondes auxquelles nous sommes quotidiennement (et chaque nuit !) confrontés… Il est donc justifié de nous interroger sur leurs effets, en particulier sur notre sommeil et celui de nos enfants.

 

 

Précisons quelques notions fondamentales concernant la nature des ondes qui nous entourent

Les ondes électromagnétiques constituent un grand ensemble hétérogène qui inclus sans distinction les ondes radios, la lumière, les micro-ondes mais aussi les ondes radio-actives et le nucléaire. Ces ondes peuvent être classées en fonction de leur longueur d’onde (qui détermine leur fréquence). On peut les regrouper en 2 grandes catégories :

  • les ondes ionisantes. Les plus dangereuses, elles sont capables d’une action toxique directe sur les molécules de notre organisme (par action directe sur l’ADN) et peuvent donc déclencher des mutations voire des cancers ;
  • les ondes non-ionisantes. En l’état actuel des connaissances médicales, elles n’en ont pas le pouvoir. Des études restent d’actualités afin d’affirmer leur innocuité.… le quasi-totalité conclue en ce sens, mais les plus médiatisées sont les rares qui concluraient à une toxicité. La plus édifiante fut celle des lycéennes, qui aboutit à un résultat alarmant du wifi sur des germes de cresson. Malgré une méthodologie clairement impropre, l’expérience fut relayée à de multiples reprises par les médias.

 

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Il paraîtrait cohérent de s’inquiéter, en premier lieu, de notre exposition aux ondes ionisantes. Or, la plus grande partie d’entre elles est liée à notre environnement naturel : U.V solaires, rayons cosmiques, radio-activité tellurique.

Parmi les ondes non ionisantes, les plus puissantes demeurent celles de la lumière visible.

 

 

 

-Les ondes sonores (ou ondes acoustiques) partagent des propriétés communes avec les ondes électromagnétiques tout en s’en distinguant sur bien des points. Les ondes sonores sont émises par une source (voix humaine, instrument de musique, diapason) et mises en évidence par un récepteur (tel que l’oreille humaine ou animale, un sonomètre). Elles sont caractérisées par leur fréquence. Elles se répartissent ainsi en 3 classes :

  • les infrasons ont une fréquence inférieure à 20 Hz. Ils sont audibles par certains animaux comme les éléphants, et leur permettent de communiquer.
  • les sons audibles par l’oreille humaine sont compris entre 20 Hz et 20 000 Hz. Les sons de basse fréquence sont les sons graves, les sons aigus sont des sons de haute fréquence.
  • les ultrasons ont des fréquences supérieures à 20 000 Hz. Ils sont audibles par les chauves-souris, les chats, les dauphins.

ondesacoustiques

 

 

 

Haro sur les ondes Wifi !

Les ondes wifi (et autres ondes dite de radiofréquence) génèrent des inquiétudes sans précédent chez les adeptes du principe de précaution. La règle du « dans le doute, abstiens-toi » est souvent présentée comme une protection salvatrice vis-à-vis de ce qui n’est pas connu. Pour certains, les dangers seraient d’ores et déjà avérés, mais dissimulés au peuple conformément à un complot, hourdi par les pouvoirs politiques et financiers qui dissimuleraient une vérité apocalyptique par appât du gain (dont ils jouiront pourtant de façon bien éphémère !)

Si on cherche à s’informer avec un esprit critique et rationnel, on recueille les publications scientifiques qui visent à étudier l’impact des ondes incriminées sur le sommeil. Pour chacune d’entre elle, une analyse attentive de la méthodologie, des conflits d’intérêt et autres biais d’interprétation, doit permettre de pondérer la valeur à attribuer aux résultats.

En Octobre 2015, la revue scientifique numérique PLOS One* a publié ce type d’étude en évaluant l’effet de l’exposition aux champs électromagnétiques radiofréquences environnementaux (RF-EMF) sur la qualité déclarée de sommeil chez 2361 enfants, âgés de 7 ans. Cette étude s’inscrit dans l’Amsterdam Born Children and Developpement (ABCD) étude de cohorte de naissance. Le recueil débuta quand les enfants étaient âgés d’environ cinq ans. Il portait sur l’exposition résidentielle et à l’école en ondes RF-EMF. Quand les enfants furent âgés de sept ans, la qualité du sommeil a été évaluée, telle par une échelle [Children Sommeil Habitudes Questionnaire (CSHQ)] remplie par les parents. Sur les huit sous-échelles de CSHQ, ont été pris en considération le retard d’endormissement, la durée du sommeil, réveils nocturnes, les parasomnies et la somnolence diurne. Des modèles de régression statistiques ont permis, l’ajustement sur l’âge et le sexe de l’enfant et sur les indicateurs de situation socio-économique des parents. Les trois sous-échelles restantes (résistance au coucher, l’anxiété du sommeil, troubles respiratoires du sommeil) ont été considérés comme résultats indépendants (contrôle négatif), sur l’hypothèse de l’absence d’association aux RF-EMF.

Les résultats montrent que le retard d’endormissement, les réveils nocturnes, parasomnies et somnolence diurne ne sont pas associés à l’exposition résidentielle aux RF-EMF.

L’étude ne confirme pas l’hypothèse selon laquelle l’exposition aux RF-EMF serait préjudiciable à la qualité du sommeil chez les enfants âgés de 7 ans. En revanche, d’autres facteurs liés à l’utilisation du téléphone mobile peuvent être considérés comme perturbateurs potentiels de l’hygiène de sommeil.

 

 

Alors, les ondes ? Toutes inoffensives sur le sommeil ?

Le plus étonnant (grave ?) est que c’est loin d’être le cas !

De nombreuses études montrent un impact négatif de l’éclairage nocturne des rues de nos cités… n’hésitant pas à dénoncer une véritable pollution urbaine ! Les spécialistes du sommeil sont unanimes : l’obscurité est nécessaire à une qualité de sommeil optimale. Si l’usage de tablettes numériques et autres ordinateurs tardent à confirmer leur supposée nocivité sur l’acuité visuelle ou leur effet cancérigène via les ondes qui en émanent, le port de verres de lunettes traitées pour filtrer la lumière bleue est en revanche de plus en plus préconisé pour prévenir l’effet néfaste d’une exposition tardive à ce spectre lumineux sur l’endormissement (par inhibition de la sécrétion de mélatonine, hormone du sommeil).

De même, des études alertent sur la trop grande proportion de jeunes qui s’endorment régulièrement avec des casques musicaux sur les oreilles. Or, la persistance de stimuli auditifs durant le sommeil maintiendrait en vigilance le système de perception des sons et empêcherait le passage en phase de sommeil récupérateur

 

 

En conclusion

Les ondes qui menacent le sommeil de nos bambins sont donc celles qui nous paraissent les plus inoffensives… Elles nous sont devenues tellement familières qu’elles n’engendrent plus aucun contrôle ni prudence.

La nuit, un volet mal clos, un rideau non occultant, un ado qui écoute son lecteur MP3 sous la couette… toutes ses situations méritent d’être désignées comme dangereuses pour la santé.

Pourtant, les nombreux sites internet qui se prétendent spécialisés dans le diagnostic et le traitement des méfaits causés par nos ondes domestiques oublient paradoxalement d’évoquer les règles fondamentales d’hygiène du sommeil… parce que peu couteuses et à la portée de tous ?

 

A craindre les pseudo-effets néfastes de ce qu’on ne connaît pas, on en oublie les véritables risques de ce qu’on croyait connaître…

 

 

Références:

PLoS ONE 10(10): e0139869. doi:10.1371/journal.pone.0139869  (2015) Environmental Radiofrequency Electromagnetic Fields Exposure at Home, Mobile and Cordless Phone Use, and Sleep Problems in 7- Year-Old Children. Huss A, van Eijsden M, Guxens M, Beekhuizen J, van Strien R, Kromhout H, et al.

Les lycéennes, le Wifi et le Cresson (Mr Pourquoi) Café des Sciences

Wifi et cresson, ne maltraitons pas la science (N.Yeganefar) Blog Université Poitiers

CanardPC « Dossier Ondes » in Zetetique.fr

Compteurs Linky, dangereux ou pas ? Que Choisir

-J Clin Sleep Med. 2013 Dec 15;9(12):1291-9. doi: 10.5664/jcsm.3272.The sleep and technology use of Americans: findings from the National Sleep Foundation’s 2011 Sleep in America poll. Gradisar M1, Wolfson AR, Harvey AG, Hale L, Rosenberg R, Czeisler CA

Observatoire du Bruit (Bruitparif)

-Chronobiol Int. 2016;33(1):117-23. doi: 10.3109/07420528.2015.1108980. Epub 2015 Dec 10.Exposure to dim artificial light at night increases REM sleep and awakenings in humans. Cho CH1,2, Lee HJ1,2, Yoon HK1,2, Kang SG3, Bok KN2, Jung KY4, Kim L1,2, Lee EI5.

-Chronobiol Int. 2015;32(8):1029-48. doi: 10.3109/07420528.2015.1072002. Epub 2015 Sep 16.Nocturnal light pollution and underexposure to daytime sunlight: Complementary mechanisms of circadian disruption and related diseases.Smolensky MH1, Sackett-Lundeen LL2, Portaluppi F3.

-Int J Environ Res Public Health. 2016 Mar 25;13(4). pii: E369. doi: 10.3390/ijerph13040369.A Neurophysiological Approach for Evaluating Noise-Induced Sleep Disturbance: Calculating the Time Constant of the Dynamic Characteristics in the Brainstem.Tagusari J1, Matsui T2.