La contraception pourvoyeuse de dépression

Les résultats d’une vaste étude prospective suggèrent que les femmes qui utilisent une contraception hormonale présentent un risque accru de développer une dépression. Parmi elles, les adolescentes seraient les plus vulnérables.

«Les femmes devraient être informées de ce risque d’effet secondaire lié l’utilisation de la contraception hormonale, afin de leur permettre de réagir en cas de changements d’humeur ou en cas d’apparition d’une dépression. De même, les médecins qui prescrivent une contraception hormonale doivent connaître ce risque potentiel » déclare l’auteur, Dr Öjvind Lidegaard , chef du Département Hospitalo-universitaire de Gynécologie de Copenhague.

Cette étude, sans précédent, vient d’être publiée le 28 Septembre dernier dans les Archives of Général Psychiatry.

Des changements d’humeur

Alors que les « sautes d’humeur » sont des plaintes déjà bien connues pour justifier souvent un arrêt des contraceptifs hormonaux, peu d’études ont quantifié précisément leur effet sur le risque de dépression majeure.

Pour l’étudier, des chercheurs ont utilisé les données d’un registre médical danois portant sur plus de 1 million de femmes et adolescentes (âgées de 15 à 34 ans). Pour être incluses, elles ne devaient présenter d’antécédent de dépression ni de quelconque autre diagnostic psychiatrique. Les données médicales de ces femmes ont été étudiées entre 2000 et 2013. La moyenne effective de ce suivi fut de 6,4 ans.

Sur la période du suivi, 55,5% des participantes utilisaient une contraception hormonale. Durant l’étude, il a été relevé 133,178 primo-prescriptions d’antidépresseurs et 23,077 diagnostics inauguraux de dépression ont été posés.

Résultats:

Pendant le suivi, les femmes et les adolescentes sous contraception hormonale se sont vues plus souvent prescrire un antidépresseur, pour la première fois. Ce risque variait selon le type de contraception hormonale.

 

Impact de la contraception hormonale sur le risque de première utilisation d’un antidépresseur

Capture d’écran 2016-10-01 à 20.39.10

 

Rem. Le risque relatif* pour un premier diagnostic de dépression est apparu similaire ou légèrement inférieur.

 

Il a été également constaté que c’est après 6 mois d’usage d’un contraceptif hormonal que le risque relatif* a culminé:

  •  1,4  (IC 95%, 1,34 à 1,46) pour une première utilisation d’antidépresseurs,
  •  1,5  (IC 95%, 1,36 à 1,64) pour le primo-diagnostic de dépression,.

 

Ces mêmes analyses, pondérées par classe d’âge, montrent un risque relatif* de recours aux antidépresseurs qui diminue généralement avec l’âge.

 

Ce sont les patientes âgées 15 à 19 ans qui semblent les plus vulnérables aux changements d’humeur. Dans ce groupe d’âge, le risque relatif pour la première utilisation d’un antidépresseur était de 1,8 (IC 95%, 1,75 à 1,84) avec les contraceptifs oraux combinés et de 2,2 (IC 95%, 1,99 à 2,52) avec les pilules progestatives. Chez les adolescentes utilisant un dispositif hormonal non oral de contraception, le risque d’avoir recours à un antidépresseur pour la première fois a été trois fois plus élevé que chez les non-utilisatrices.

 

 

« Ceci est la première étude jamais réalisée, de suivi d’une grande cohorte de femmes en bonne santé mentale initiale, démarrant une contraception hormonale … sur 13 années… comparant les nouvelles prescriptions d’antidépresseur ou les découvertes de nouveaux diagnostics de dépression, pour chaque classe d’âge, avec les femmes sans contraception hormonale. Les femmes antérieurement atteintes d’une maladie mentale ont été exclues, tout comme les femmes enceintes « . Dr Lidegaard

Ces résultats conforteraient l’hypothèse selon laquelle la progestérone serait impliquée dans l’étiologie de la dépression. Ce sont, en effet, les progestatifs qui prédominent dans les dispositifs contraceptifs combinés.

 

Lexique:

-risque relatif: mesure statistique souvent utilisée en épidémiologie, évaluant le risque de survenue d’un événement dans un groupe par rapport à l’autre. Par exemple, si le risque relatif de cancer du poumon en cas de tabagisme est égal à 2; cela signifie que le risque de survenue d’un cancer du poumon est 2 fois plus important chez les fumeurs que chez les non-fumeurs.

Référence:

Association of Hormonal Contraception With Depression. Skovlund CW, Mørch LS, Kessing LV, Lidegaard Ø.
JAMA Psychiatry. 2016 Sep 28. doi: 10.1001/jamapsychiatry.2016.2387.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *