L’ EJACULATION PRECOCE N’EST PAS UNE FATALITE !

Symptôme tabou, parfois honteux… A la définition floue… De cause mystérieuses et aux traitements méconnus… L’ éjaculation prématurée reste l’ ennemi de bien des amoureux.

Choisirunmedecin prend le temps d’explorer un sujet sensible, qui mériterait peut-être d’être dédramatisé !

 

 

 

Selon le D.S.M V*, l’éjaculation prématurée (précoce) constitue un trouble de l’éjaculation persistant ou répété, survenant pendant le rapport sexuel avec une partenaire, approximativement dans la minute suivant la pénétration vaginale, et avant que la personne ne souhaite éjaculer.

 

Le symptôme doit être présent depuis au moins 6 mois et être éprouvé par la personne dans presque toutes ou toutes les occasions d’activité sexuelle. Il provoque une détresse cliniquement significative chez la personne.

On distincte différents types (de tout temps ou acquis, généralisé ou situationnel), ainsi que 3 niveaux de sévérité :

Léger (dans les 30 secondes à 1 minute suivant la pénétration vaginale),

Moyen (dans les 15-30 secondes suivant la pénétration vaginale),

Grave (avant l’activité sexuelle ou dans les 15 secondes suivant la pénétration vaginale)

Remarque: La définition de la durée peut s’appliquer aux hommes de différentes orientations sexuelles (les temps de latence de l’éjaculation semblent être similaires parmi les hommes de différentes orientations sexuelles).

 

 Une préoccupation fréquente pour un trouble relativement rare…

Les estimations de la prévalence de l’éjaculation prématurée varient largement en fonction de la définition utilisée. A l’échelle internationale, 20 à 30 % des hommes âgés entre 18 et 70 ans déclarent être préoccupés par la rapidité de leur éjaculation. Selon la nouvelle définition (celle du D.S.M V), seulement 1 à 3 % des hommes seront diagnostiqués comme présentant ce trouble.

L’éjaculation prématurée est plus fréquente chez les hommes souffrants de troubles anxieux, et surtout d’une phobie sociale.

La perception de ce qui constitue une latence éjaculatoire normale varie selon les cultures. La perception de ce qui constitue un temps de latence de l’éjaculation acceptable peut différer entre les hommes et leurs partenaires sexuels.

 

L’éjaculation prématurée peut engendrer:

  • une diminution de l’estime de soi,
  • un sentiment de manque de contrôle,
  • une détresse personnelle,
  • des conséquences négatives sur la relation avec le/la partenaire,
  • une diminution de la satisfaction sexuelle chez le/la partenaire,
  • des difficultés pour la conception d’un enfant (quand éjaculation se produit avant la pénétration)

 

Remarque: L’usage, l’intoxication ou le sevrage d’une substance/d’un médicament peuvent induire une dysfonction sexuelle susceptible d’être confondue avec une éjaculation prématurée.

 

 

Comment agir ?

 

Levons d’abord les malentendus :

Le conseil en sexologie et la psychoéducation* – qu’elles soient individuelles ou de couple- sont particulièrement indiqués pour les éjaculations prématurées «infra-cliniques», car de survenue inconstante et /ou dites subjectives.

Des anesthésiques locaux pourraient avoir une utilisation dans ce cadre également. En effet, l’application du produit anesthésiant sur le gland du pénis a la capacité de prolonger le temps de latence d’éjaculation.

 

Les traitements de l’éjaculation prématurée « vraie » (de tout temps ou acquise)

 

Les médicaments contre l’éjaculation précoce peuvent être pris à la demande ou en prises quotidiennes. Cependant, en dehors de l’utilisation à la demande de la dapoxetine (PRILIGY®), tous les autres traitements de l’éjaculation précoce sont utilisés « hors A.M.M* ».

 

Physiologie: L’éjaculation est contrôlée, au niveau du système nerveux, par une variété de systèmes de neurotransmetteurs*, impliquant en particulier les voies sérotoninergiques, mais aussi les systèmes dopaminergiques et ocytocinergiques. Un retard de l’éjaculation peut être pharmacologiquement provoqué, soit en inhibant les voies excitatrices de l’éjaculation, ou en en renforçant les voies inhibitrices, centrales ou périphériques (cerveau ou moelle épinière).

 

L’éjaculation prématurée peut être traitée par l’utilisation à long terme des inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (I.S.R.S) ou des antidépresseurs tricycliques. La dapoxetine (PRILIGY®) est un I.S.R.S de courte durée d’action. C’est le premier traitement homologué pour le traitement à la demande de l’éjaculation prématurée.

L’utilisation des inhibiteurs de recapture de la sérotonine (I.S.R.S) en combinaison avec un inhibiteur de la 5-phosphodiestérase, le tadalafil (CIALIS®), avant le rapport sexuel, semble fournir des temps de latence d’éjaculation significativement plus long par rapport à l’usage des I.S.R.S seuls.

 

Etudié plus récemment, un antalgique opiacé, le tramadol (CONTRAMAL®), semble être efficace dans le traitement de l‘éjaculation prématurée. Toutefois, ces résultats doivent être interprétés avec précaution, compte tenu de la qualité inégale des études disponibles sur le sujet. De plus, il est actuellement impossible d’établir avec précision la dose quotidienne minimale, sure et efficace. Les effets à long terme et les effets secondaires, y compris le risque de dépendance, n’ont pas été suffisamment évalués.

 

Le ciblage de la voie ocytocinergique, la neurokinine-1, les récepteurs dopaminergiques, comme opioïdes, représenteraient les futures voies à explorer.

 

Les approches psychothérapiques qui se prétendent efficaces sur l’éjaculation prématurée sont légions. Parmi elles, les thérapies comportementales semblent être celles qui ont été les plus évaluées dans la littérature.

Toutefois, la revue Cochrane* de 2011, conclue de façon très prudente :

« Globalement, il existe des preuves insuffisantes et non concordantes en ce qui concerne l’efficacité des interventions psychologiques pour le traitement de l’éjaculation prématurée. »

 

 

Le Yoga ? On ne dispose pas d’études randomisées contrôlées* évaluant l’effet du Yoga sur l’éjaculation prématurée. Ce type d’essai serait pourtant indispensable pour tenter d’affirmer tout effet spécifique à une intervention donnée. Impossible de statuer, donc, sur le sujet…

L’acupuncture ? Une étude, portant sur l’acupuncture, conclue à un bénéfice significatif par rapport à de l’acupuncture simulée. Ce résultat est pourtant en contradiction avec les résultats d’autres études comparant les traitements médicamenteux à l’acupuncture et au placebo*.

 

 

Au total:

Les médicaments restent donc le premier choix de traitement pour l’éjaculation prématurée de tout temps, et peuvent également être indiqués pour l’éjaculation prématurée acquise. Les manifestations d’éjaculation précoce inconstantes et/ou subjectives sont, en revanche, du ressort des prises en charge conjugales et du conseil en sexologie.

Le clinicien doit choisir, en concertation avec le patient, quel médicament et/ou quelle stratégie thérapeutique paraissent les plus appropriés pour le patient et sa/son partenaire.

 

 

Lexique :

D.S.M: Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders (Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux)

Psychoéducation: discipline basée sur l’éducation et la psychologie.

A.M.M: autorisation de mise sur le marché.

Revue Cochrane (ou Collaboration Cochrane): Le principe de la collaboration Cochrane est d’aider les personnes à prendre des décisions bien informées dans le domaine du soin en préparant, maintenant à jour et en assurant l’accessibilité de revues systématiques sur les effets des interventions de santé.

Etude randomisée contrôlée: démarche expérimentale utilisée en recherche médicale et pharmaceutique pour définir l’effet réel d’un traitement, d’une intervention. Le protocole implique la constitution de 2 échantillons constitués de manière aléatoire, équivalents quantitativement et qualitativement. L’un d’eux recevra le traitement étudié, et l’autre non… les résultats seront ainsi comparés…

Placebo: une substance sans principe actif mais qui, en raison de son aspect, peut agir par un mécanisme psychologique sur un sujet croyant prendre une substance thérapeutique

 

 

Sources et références :

-D.S.M V

-Urology. 2015 Jan;85(1):118-24. doi: 10.1016/j.urology.2014.09.037. Cross-cultural differences in women’s sexuality and their perception and impact of premature ejaculation. Burri A, Graziottin A.

-Cochrane Database Syst Rev. 2011 Aug 10;(8):CD008195. doi: 10.1002/14651858.CD008195.pub2. Psychosocial interventions for premature ejaculation. Melnik T, Althof S, Atallah AN, Puga ME, Glina S, Riera R.

-Health Technol Assess. 2015 Mar;19(21):1-180, v-vi. doi: 10.3310/hta19210. Interventions to treat premature ejaculation: a systematic review short report. Cooper K, Martyn-St James M, Kaltenthaler E, Dickinson K, Cantrell A.

-BMC Urol. 2015 Jan 30;15:6. doi: 10.1186/1471-2490-15-6. Tramadol for premature ejaculation: a systematic review and meta-analysis. Martyn-St James M, Cooper K, Kaltenthaler E, Dickinson K, Cantrell A, Wylie K, Frodsham L, Hood C.

-Curr Opin Psychiatry. 2014 Nov;27(6):400-5. doi: 10.1097/YCO. Pharmacotherapy for premature ejaculation. Waldinger MD.

-Andrologia. 2015 Jun;47(5):487-92. doi: 10.1111/and.12289. Epub 2014 May 9. Combination therapy with selective serotonin reuptake inhibitors and phosphodiesterase-5 inhibitors in the treatment of premature ejaculation. Polat EC, Ozbek E, Otunctemur A, Ozcan L, Simsek A.

-Pharmacol Rev. 2012 Jul;64(3):621-44. doi: 10.1124/pr.111.004952. Epub 2012 Jun 7. Pharmacology for the treatment of premature ejaculation. Giuliano F, Clèment P.