La Mélatonine serait dangereuse… Méfions-nous plutôt du « gloubi-boulga » pseudo-scientifique…

L’A.N.S.E.S recommande à certaines populations d’éviter la consommation de compléments alimentaires contenant de la mélatonine. Une gélule de mélatonine est un « complément alimentaire » quand elle contient moins de 2 mg de principe actif. Elle est considéré comme un médicament pour toute posologie supérieure.

L’Agence Nationale de Sécurité Sanitaire de l’Alimentation, de l’Environnement et du Travail  tire donc la sonnette d’alarme. L’Agence du Médicament semblait plutôt rassurer les patients sur l’innocuité de la mélatonine sur les troubles du sommeil.

Les compléments alimentaires seraient-ils mieux surveillés que les médicaments, eux-même ?  Cette situation paradoxale illustrerait-elle, au contraire, une faiblesse dans les fondements scientifiques d’évaluation des compléments alimentaires par l’A.N.S.E.S ?

Selon la Haute Autorité de Santé:

Selon le protocole validé par l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament : « La sécurité d’emploi de CIRCADIN (mélatonine 2 mg) s’est avérée bonne chez des patients âgés de plus de 18 ans et chez des enfants âgés de 6 à 12 ans ayant des troubles neurodéveloppementaux, à des doses de 4 à 6 mg, après un traitement de 6 à 72 mois ».

HAS – Direction de l’Evaluation Médicale, Economique et de Santé Publique RTU – 07/2015

Selon l’A.N.S.E.S:

L’analyse des cas signalés et de la littérature scientifique amène l’Agence à recommander aux personnes souffrant de maladies inflammatoires ou auto-immunes, aux femmes enceintes et allaitantes, aux enfants, aux adolescents et aux personnes devant réaliser une activité nécessitant une vigilance soutenue et pouvant poser un problème de sécurité en cas de somnolence de ne pas consommer de mélatonine sous forme de compléments alimentaires.

Alors… comment s’y retrouver ?

Avant toute chose, il est nécessaire de reprendre les données sur lesquelles l’A.N.S.E.S établit son récent rapport.

 

 

Les données du rapport

 

Ce qui est dit dans l’article de l’A.N.S.E.S (et via la presse généraliste)

Quatre-vingt-dix cas d’effets indésirables survenus à la suite de la prise de compléments alimentaires contenant de la mélatonine ont été transmis au dispositif national de nutrivigilance porté par l’Anses. Les effets rapportés sont variés : des symptômes généraux (céphalées, vertiges, somnolence, cauchemars, irritabilité), des troubles neurologiques (tremblements, migraines) et gastroentérologiques (nausées, vomissements, douleurs abdominales). Chaque cas a fait l’objet d’une analyse individuelle, dont les conclusions ont été partagées avec les déclarants et les fabricants.

Voici donc les témoignages qui justifient de la mise en garde rédigée par l’A.N.S.E.S et bien vite relayée par les médias.

Il manque des informations essentielles pour pondérer la valeur de l’information…. Prendre connaissance du rapport dans son intégralité est donc indispensable.

 

 

Ce qu’on trouve vraiment dans le rapport

 

Une utilisation très répandue

Le rapport débute par une présentation de la Mélatonine. On y découvre que les compléments alimentaires mélatoninergiques « connaissent une grande notoriété, le nombre de boites vendues étant estimé à 1,4 Millions par an. »

Tiens, tiens …  Cette information peut avoir son utilité. D’ailleurs, il n’est question ici que des compléments alimentaires. Les médicaments à la mélatonine n’apparaissent même pas dans ce chiffre.

Mais le plus édifiant vient ensuite…

 

Seulement 19 déclarations exploitables !

Depuis la création du dispositif de nutrivigilance et jusqu’en mai 2017, l’Anses a reçu 90 déclarations d’effets indésirables susceptibles d’être liés à la consommation de compléments alimentaires contenant de la mélatonine.

Parmi celles-ci, 19 sont suffisamment complètes pourfaire l’objet d’une analyse d’imputabilité.

Doit-on comprendre que le rapport repose finalement sur 19 déclarations d’effets indésirables ?

 

Durée du recueil des déclarations

Sans être un fin statisticien, on imagine bien que le délai sur lequel les déclarations d’effets indésirables supposés ont été recueillis présente une utilité pour l’estimation du danger que représente la molécule de mélatonine. Ce n’est qu’à la 9ème page du rapport de 44 pages que cette information (considérée comme superflue ?) est enfin accessible:

Tableau 1 : Cas analysables reçus en nutrivigilance entre 2009 et mai 2017

Il s’agit donc d’un recueil effectué sur 6 ans 1/2 …. 1,4 millions de boites par an, avez-vous dit ? seulement 19 déclarations exploitables dans le rapport, c’est bien ça ? Les journalistes qui ont relayés le rapport ont-ils pris en considération cette donnée, avant d’écrire leurs articles ?

 

Focus sur les critères d’imputabilité

L’imputabilité correspond au niveau de certitude que l’usage du produit étudié est véritablement responsable de l’effet indésirable déclaré.

L’ANSES utilise 4 niveaux d’imputabilité intrinsèque évalués selon plusieurs critères. On détermine ainsi le niveau de probabilité que le produit étudié soit la cause de l’événement déclaré, parmi les 4 suivants:

I0 : Exclu
I1 : Douteux
I2 : Possible
I3 : Vraisemblable
I4 : Très vraisemblable

Sur 19 déclarations, 11 ont été considérées comme vraisemblables, 6 comme possibles, 1 comme douteux, 1 comme exclu.

Il ne  reste donc plus que 17 déclarations d’imputabilité possible ou vraisemblable à la mélatonine. En revanche, aucune déclaration n’a été évaluée comme très vraisemblable.

Sur ces 17 déclarations d’effets indésirables, 6 concernaient une prise de Somniphyt 30 Mélatonine®. Sa composition est la suivante: mélatonine, Griffonia simplicifolia, magnolia, valériane, pavot de Californie, L-tryptophane, L- glutamine, millepertuis, vitamine B6. Est-il sérieux de vouloir évaluer la tolérance de la mélatonine chez l’homme par une gélule composée de 9 principes actifs différents ? La rigueur scientifique voudrait que l’on écarte directement ces 7 déclarations … Tout en conseillant aux usagers bio-friendly d’éviter les « cocktails » de molécules, même au rayon phytothérapie !

Regardons de plus près la nature de 11 déclarations restantes.

 

Nature des effets indésirables suspectés

Les déclarations
Sévérité 1
  1. homme de 43 ans: spasmes et tremblements d’intensité légère, quelques heures après la prise de 1 mg de mélatonine. Il souffrait par ailleurs d’une épilepsie, traitée par Keppra® (les plus curieux iront rechercher les effets secondaires connus de cet antiépileptique…)
  2. femme de 57 ans: troubles digestifs et palpitations, après une dose inconnue (?!) de mélatonine. Elle précisera toutefois connaître les mêmes symptômes après la prise de paracétamol, temesta® et/ou trimébutine…
  3. femme de 51 ans: nausées et vomissements d’intensité légère, 3 heures après 1 mg de mélatonine.
  4. femme de 33 ans: myalgies et douleurs abdominales, 3 heures après la prise de … 0,5 mg de mélatonine.
  5. femme de 56 ans: crampes et arthralgies, 30 minutes après la prise de 1 mg de mélatonine.
  6. 1 femme de 89 ans: troubles mineurs de l’équilibre, plusieurs heures après la prise de 4,5 mg de mélatonine… Son traitement comprenait par ailleurs: aspirine, amlodipine, allopurinol, simvastatine et candésartan (!)
  7. femme de 62 ans: céphalées mineures, quelques heures après 1 mg de mélatonine. Son traitement comprenait par ailleurs un anti-hypertenseur et des hormones thyroïdiennes.
  8. homme de 87 ans: cauchemars, quelques heures après la prise de 1 mg de mélatonine.
Sévérité 2 ou 3
  1. homme de 46 ans: choc anaphylactique (sévérité 3), 10 minutes après la prise de 1 mg de mélatonine.
  2. femme de 64 ans: prurit et plaques rouges sur le corps et le cuir chevelu (sévérité 2), 15 jours (!??) après une prise de 1 mg de mélatonine.
  3. femme de 60 ans: une cytolyse hépatique (sévérité 2), 2 jours après une prise de 1 mg de mélatonine. Elle était suivie pour une … hépatite auto-immune (!!!) … et sous un traitement composé de 4 autres médicaments (??!)

Non, vous ne lisez pas un article du GORAFI…

Analyse globale
Sur 11 déclarations retenues:
  • 8 présentent un score de sévérité de 1 (sur une échelle de 4),
  • 6 concernent des personnes prenant d’autres médicaments (risques de facteur de confusion et d’interactions à prendre en compte),
  • 9 concernent une posologie de 1 mg (ou moins) de mélatonine !
Rigueur de l’enquête:

Les déclarations n° 1, 2, 6, ainsi que les cas n°2 et 3 de sévérité 2/3, laissent perplexes quant aux critères de validation par les experts de l’A.N.S.E.S.

Concernant le cas n°1 de sévérité 3: L’anaphylaxie est une réaction allergique, rare mais grave, non spécifique d’une substance particulière (ce risque ne peut jamais être totalement écarté).

 

 

Pourquoi tout cela n’a que peu de valeur ?

 

Concordance ou pas des effets secondaires recueillis

Un symptôme qui se répète à l’identique auprès des usagers est un argument en faveur du lien causal avec le traitement étudié. Lorsque divers effets indésirables sont rapportés et que tous sont distincts, il est bien plus délicat de tirer des conclusions quant à l’origine des symptômes allégués.

Ici, sur 11 témoignages, chacun décrit un type de manifestation différent !

Niveau d’imputabilité

Sur la totalité des déclarations recueillies, aucune n’est considérée comme « Très vraisemblable » (niveau le plus évocateur d’un lien de causalité).

Gravité des effets rapportés

8 déclarations sur 11 évoquent une symptomatologie de score de sévérité = 1 (sur une échelle de 4). Une intensité faible.

Fréquence des symptômes rapportés en population générale

Plus un symptôme est rare, plus le risque qu’il soit attribuable au traitement incriminé est grand.

Plus un symptôme est répandu dans la population, plus il sera délicat d’attribuer sa manifestation à une prise de traitement.

Est-il nécessaire de préciser la fréquence de survenue des nausées, des céphalées, des douleurs abdominales et autres tremblements en population générale ?…

Les manifestations décrites dans les déclarations peuvent être considérée comme « communes ».

Principes généraux d’une veille sanitaire

La démarche d’un recueil actualisé des événements indésirables éventuels, déclarés par les usagers, reste néanmoins indispensable.

Rester vigilant face à des conséquences graves

Certaines peuvent être suffisamment rares pour être passées inaperçues lors des études épidémiologiques préalables à la mise sur le marché des médicaments.

Par exemple: Si une personne décède d’une hépatite fulgurante après l’ingestion d’une substance X, il est indispensable que cet événement soit rapporté aux autorités compétentes. Cet effet est grave. De plus, il peut être suffisamment rare pour ne pas avoir été mis en évidence jusqu’alors.

Pour établir qu’une substance engendre des maux communs et bénins…

Dans le cas de diarrhées, nausées, maux de tête, etc, seules des études cliniques randomisées contre placebo peuvent conclure.

Etudes limitées dans le cas des compléments alimentaires

Les compléments alimentaires ne bénéficient pas de la même rigueur d’analyse que le médicament, avant commercialisation.

Etant donné que la mélatonine est considérée comme médicament dès 2 mg par gélule, de nombreuses données fiables existent heureusement !

 

De nombreuses publications sur la Mélatonine depuis des années

 

 

Un rapide survol des publications internationales évaluant les effets de la mélatonine, comparée à un placebo, permet d’en mesurer la multiplicité.

Dès les années 70

Des articles scientifiques évoquent les effets de la mélatonine sur le sommeil.

Les années 80

Les premiers essais randomisés en double aveugle portant sur des groupes de quelques 10aines de sujets.

Jusqu’en 2000

Les études cliniques, de qualités inégales, se multiplient peu à peu. L’ampleur des échantillons de patients augmentent. Les durées de l’évaluation se prolongent. Les posologies administrées varient, de 1 mg et plusieurs dizaines de mg.

Depuis 10 ans

Apparaissent enfin des méta-analyses, qui recensent les résultats des études cliniques existantes et cherchent à en faire émerger des consensus.

Parmi elles, ont peut noter les conclusions des auteurs d’une méta-analyse titrée:  The safety of Melatonin in Humans (Innocuité de la mélatonine chez l’homme)

Un nombre important d’études animales et humaines ont démontré que l’utilisation à court terme de la mélatonine est sûre, même à des doses extrêmes. Aucune étude n’indique que la mélatonine exogène possède des effets indésirables graves. De plus, des études cliniques randomisées indiquent que l’administration à long terme n’induit que de légers effets indésirables comparables à ceux du placebo. En raison d’un manque d’études chez l’humain, les femmes enceintes et celles qui allaitent ne devraient pas prendre de mélatonine exogène. En outre, l’innocuité à long terme de la mélatonine chez les enfants et les adolescents nécessite des recherches plus approfondies.

Clin Drug Investig (2016) 36:169–175

Au total

Cette fois, plus questions de 19 déclarations, mais d’études cliniques portant sur des centaines d’usagers…

Du recueil de témoignages basés sur des supposées concordances chronologiques par l’A.N.S.E.S, on passe à des analyses statistiques épidémiologiques. Celles-ci comparent la fréquence de survenue d’événements indésirables sous mélatonine à celle observée lors de la prise de placebos.

Sur le plan posologique, il ne s’agit plus de « modestes » prises de 1 ou 2 mg par gélule, mais de 3, 5, 10 mg, voire de quantités bien supérieures (jusqu’à 100 mg chez l’homme et plus de 200 mg/kg chez l’animal !)

 

 

 

 

Conclusion

 

 

Ce que le rapport de l’A.N.S.E.S nous apprend vraiment

 En fait, durant 6 ans, 1 unique plainte a été recensée pour chacune des manifestations suivantes: tremblements, palpitations, vomissements, mal de ventre, trouble de l’équilibre, céphalées, choc anaphylactique, irruption cutanée et cytolyse hépatique. Aucun symptôme ne s’est trouvé répété dans des déclarations potentiellement pertinentes. La sévérité des troubles était le plus souvent évaluée à 1 (sur une échelle de 1 à 4). La posologie de mélatonine la plus fréquemment incriminée était de 1 mg…

 

Ce que la science sait de l’usage médicamenteux de la mélatonine

En l’état actuel des connaissances, des études menées sur l’animal puis sur des centaines de sujets sont en faveur d’une utilisation sécure de la mélatonine même pour des posologies élevées ! Les somnifères communément prescrits ont des effets secondaires bien connus. Ils sont prescrits largement en dépit d’une balance bénéfice/risque souvent défavorable. Ce problème de santé publique plaide pour la légitimité du recours à la mélatonine dans le traitement de l’insomnie. Même si le niveau de preuve d’efficacité est actuellement surtout prouvé chez les personnes âgées de plus de 65 ans, son usage pour les autres populations s’avère préférable aux autres hypnotiques.

Enfin, comme pour la majeure partie des traitements, l’usage chez la femme enceinte doit être évité par principe de précaution et les évaluations chez l’enfants sur le long cours seront nécessaires

 

ALORS, LE RAPPORT DE L’ANSES MERITE-T’IL D’ETRE PUBLIÉ ? N’Y A T’IL PAS DE RISQUE A LE RELAYER ?

 

 

 

Références:

1 Comment

  1. Brossette | | Répondre

    Bravo et merci de remettre les choses en ordre!!!!
    Heureusement qu’il y a des sites comme le votre pour rétablir la vérité que Big Pharma veut à tout prix nous cacher, mais que l’ANSES soit complice de cette mafia : c’est un vrai scandale!
    Merci.

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