
Comme le veut l’usage, choisirunmedecin.com vous propose la re-transcription d’un article médical récent, publié par une revue médicale internationale de référence.
Ici, il est question d’une publication issue du célèbre JAMA Psychiatry, datée du 29 mai 2024. Des chercheurs allemands ont cherché à évaluer et comparer l’influence de l’effet placebo sur 9 troubles psychiatriques déterminés. Nous vous livrons les conclusions de leur étude.

Les auteurs ont procédé à une revue systématique et à une méta-analyse des résultats collectés concernant l’effet placebo en psychiatrie.
Introduction
Le Placebo
Un « blockbuster » universel et historique
Le placebo est sans doute l’agent thérapeutique le plus étudié dans le monde.
Une intervention omniprésente dans la recherche
En psychiatrie, on considère le recours au placebo comme éthiquement acceptable dans presque toutes les indications pour la recherche médicale. Elle est ainsi la seule intervention évaluée sur tous les troubles psychiatriques !
Un bénéfice objectif plus que courant
Dans les études sur les troubles psychiatriques, même les patients des « groupes placebo » présentent généralement une amélioration. Cela rend parfois difficile la distinction avec l’effet spécifique du traitement évalué. De plus, les effets placebo ont progressé, au fil des ans, lors des études menées sur la dépression majeure, la schizophrénie et le trouble schizo-affectif.
Un effet complexe aux multiples composantes
Le véritable effet placebo englobe les améliorations induites par la suggestion, l’espoir d’un traitement efficace et les effets de conditionnement lié à l’administration du médicament.
Au delà, d’autres facteurs peuvent améliorer la santé : les troubles psychiatriques ont souvent des évolutions épisodiques. Des facteurs contextuels, tels qu’un personnel de recherche attentionné, des soins compatissants, des conversations de soutien, et la psychoéducation, peuvent influencer positivement les résultats.
Les circonstances de la vie peuvent changer au cours d’une étude. La régression à la moyenne est un facteur statistique d’amélioration des symptômes.
Ainsi, La réponse placebo correspond à tous les changements observés durant une intervention placebo.
Un effet variable selon les troubles
Les différents troubles ne répondent pas de manière identique au placebo. On trouve peu de comparaisons complètes en psychologie. Malgré tout, Khan et ses coauteurs ont comparé 6 troubles dans une étude de 2005, dans l’étude la plus complète à ce jour. Cependant, elle n’incluait pas des diagnostics importants, comme la manie ou la phobie sociale. D’autres revues ont étudié les troubles dépressifs ou quelques autres diagnostics.
Comprendre les différences observées entre les groupes de placebo de différents études peut avoir différents intérêts:
- enrichir nos connaissances sur les troubles explorés,
- faciliter l’interprétation des essais cliniques,
- aider aux décisions thérapeutiques,
- améliorer les traitements.
Nous avons donc comparé les réponses placebo parmi un large éventail de troubles psychiques chez les adultes.
Données
Revue systématique
Les auteurs ont appuyé leur analyse sur 9 études de référence.

Méta-analyse
La méta-analyse a exploité 90 études contrôlées randomisées.
Au total, cela représente 9985 individus traités par placebo, répartis dans les 9 diagnostics comme suit:
- 1598 personnes atteintes de dépression,
- 967 personnes atteintes de manie,
- 888 personnes atteintes de schizophrénie,
- 803 personnes atteintes de TOC*,
- 1189 personnes atteintes de TDAH*,
- 1457 personnes atteintes de TAG*,
- 1180 personnes atteintes de phobie sociale,
- 1248 personnes atteintes de trouble panique,
- 655 personnes atteintes de SSPT*.
Limites et biais
Il y avait plus de femmes dans les études sur la dépression, le TAG et le trouble panique et moins dans les études sur la schizophrénie et le SSPT. En revanche, l’âge et le niveau d’ études, variaient peu. La durée des études différait également selon le diagnostic, avec une durée relativement longue allant jusqu’à 12 semaines pour le TOC, la phobie sociale et le TAG, et une durée plus courte de 3 semaines pour la manie.
Résultats
La dépression et le trouble anxiété généralisée se révèlent les troubles psychiques les plus influencés par le placebo.
Le trouble panique, le trouble déficitaire de l’attention et la phobie sociale apparaissent moyennement sensibles au placebo.
Enfin, la manie (bipolaire), le trouble obsessionnel compulsif et la schizophrénie constituent les troubles psychiques les moins sujets à l’effet placebo.
Tableau des résultats: Estimations de l’ampleur des effets pré-post-placebo

Cette étude a permis de dégager 5 résultats principaux.
- Premièrement, on observe une amélioration des symptômes dans toutes les entités sous traitement placebo.
- Deuxièmement, les améliorations étaient de grande ampleur.
- Troisièmement, l’amélioration variait considérablement selon les troubles et était particulièrement forte dans le TDM et le TAG, tandis que la schizophrénie, le TOC et la manie présentaient des améliorations relativement modestes.
- Quatrièmement, pour la plupart des diagnostics, il y avait une réelle variabilité concernant les améliorations selon les études.
Conclusion
L’effet placebo agit sur tous les troubles mais avec une influence différente
Cette revue systématique et méta-analyse portant sur 9 troubles psychiatriques révèlent des améliorations considérables sous placebo. De plus, il existe de nettes différences dans l’ampleur de l’effet selon les troubles .
L’évolution de chaque maladie sous placebo peut aider à déterminer le niveau d’urgence de recourir à des traitements spécifiques. Elle peut également permettre de mieux comprendre l’évolution de la maladie en l’absence d’intervention spécifique.
Une meilleure compréhension de la réponse au placebo pourrait permettre d’améliorer les traitements. En particulier dans les troubles psychiatriques où la confiance, le conditionnement et la croyance jouent un rôle important.
Nos résultats pourraient éclairer l’interprétation des essais contrôlés par placebo, où la différence médicament-placebo est généralement le critère de jugement principal.
Le modèle bio-psycho-social pour mieux comprendre la « placebo-sensibilité »
Les auteurs supposent une étiologie multifactorielle englobant les déterminants psychogènes et biologiques, intimement liés et interactifs, pour les différents troubles psychiques.
Au cours des dernières décennies, divers paradigmes de recherche, y compris les examens génétiques et l’imagerie fonctionnelle, ont été utilisés pour évaluer les facteurs individuels. La comparaison indirecte de l’évolution de différents troubles sous placebo peut aider à comprendre l’étiologie de la maladie, ce qui pourrait donner un aperçu de l’influence proportionnelle des facteurs organiques et psychogènes.
Les affections comportant des composantes héréditaires et biologiques présumées importantes, telles que la schizophrénie, ont présenté des réponses placebo modestes dans notre analyse.
À l’inverse, les troubles ayant une contribution biologique moindre, par exemple la dépression et le TAG, ont montré des réponses plus fortes.
Notre étude peut servir de cadre initial pour intégrer les connaissances complètes dérivées des groupes placebo d’essais contrôlés dans l’exploration étio pathogénique des maladies mentales.
Lexique:
TOC: trouble obsessionnel compulsif
TDAH: trouble déficit attentionnel/hyperactivité
TAG: trouble anxiété généralisée
SSPT: syndrome de stress post-traumatique