Lutte contre les informations médicales erronées : un objectif plus complexe qu’il n’y paraît…

Distinguer (DES) et (MES)informations médicales
La « désinformation » désigne donc un acte de tromperie délibéré. L’auteur agit de la sorte pour servir ses intérêts personnels. Il apparaît donc incontestable que la désinformation soit combattue. Elle sous-entend une démarche mal-intentionnée et délibérée :
- volonté de nuisance vis-à-vis d’autrui,
- poursuite d’objectifs autres que la seule connaissance scientifique.
La gestion de la « mésinformation » est un sujet plus délicat. La perspective d’une lutte contre la « mésinformation » binaire et autoritaire devrait plutôt alerter la population qu’engendrer autant d’enthousiasme.
Nul ne contestera que la quête de vérité est inhérente à la démarche scientifique. De ce point de vue, la « mésinformation » constitue indéniablement un élément parasite. Un aléa de la connaissance médicale. Mais n’est-elle que cela ?
La CONTRADICTION: outil indispensable à la science
En effet, qui aurait l’idée de condamner l’existence de désaccords entre spécialistes ? Quid des débats qui animent la communauté scientifique ? Et pourtant… Lors d’une divergence d’opinions entre 2 savants, l’un des contradicteurs défend probablement une « mésinformation » !
VRAI hier, FAUX demain
Le temps démasque inexorablement (et régulièrement) des « mésinformations ». Elles ne sont identifiées comme telle qu’à postériori. Chaque fois qu’un fait médical est contredit, corrigé, complété, modifié, à l’aulne de nouvelles découvertes, le consensus établi perd son statut de vérité pour celui de « mésinformation ». L’histoire de la médecine rend compte de la multitude de « mésinformations » successives. Souvent formulées par d’illustres personnalités passées, ces erreurs ont contribué à l’évolution des sciences médicales.
LE MANICHEISME: VERITABLE ENNEMI DU SAVOIR SCIENTIFIQUE
Le savoir scientifique se construit au terme d’un processus long. Aussi contre-intuitif que cela puisse paraître, la formulation de « mésinformations » participe pleinement à l’élaboration du savoir. Il faut l’accepter et en rester conscients. Cette réalité inévitable justifie les démarches de vérifications fondamentales:
- par la nécessaire répétition des expérimentations,
- par la recherche d’une reproductibilité des résultats,
- par l’indispensable accumulation des données,
- jusqu’à atteindre la plus haute probabilité de se rapprocher du vrai.
Par ailleurs, affirmer avec certitude la nature fausse d’une « mésinformation » n’est pas forcément aisé. L’erreur ne se confirme parfois qu’au terme d’un long processus d’acquisition du savoir.
Ce n’est qu’au terme de débats, de confrontations entre arguments discordants et d’addition de données concordantes qu’un consensus tend à émerger. Dans la littérature scientifique, cette réalité a conduit à élaborer les protocoles de rédaction des fameuses « méta-analyses ». Les fact-checkers considèrent la « méta-analyse » comme le plus haut niveau de preuve. Soit. Pourtant, qui oserait affirmer le caractère infaillible de l’intégralité desdites « méta-analyses » publiées ? Pour mémoire, un article du blog avait pu mettre en lumière toutes les faiblesses de la méta-analyse la plus faible de la littérature scientifique…
A QUI DONC CONFIER LE MINISTERE DE LA VERITE ?
Quelle autorité dispose d’une légitimité suffisante pour qualifier de « mésinformation » l’expression d’une opinion scientifique sinon les scientifiques eux-même ? Si la « mésinformation » doit être contredite, les gouvernements et les médias devraient de facto être exempts d’une quelconque légitimité à le faire. Un homme politique n’a pas pour rôle de construire la science. La comprend-il seulement ? Le journaliste délivre l’information scientifique. Il l’explique parfois. Il ne lui appartient pas de juger du caractère valide d’une information exprimée par un scientifique.
A qui appartient le droit de déterminer à quel scientifique on accordera une respectabilité professionnelle, et auquel échouera le statut de paria de la communauté ? Aux associations de spécialistes ? Aux sociétés savantes ? A une supposée majorité émergente parmi les membres de la corporation ?
Mais alors, qui pour attester de la probité des sociétés savantes et de l’indépendance des membres qui la composent ? Qui pour comptabiliser les voies et déterminer le courant avéré majoritaire ?
Même les consensus peuvent différer d’un pays à l’autre. Cette réalité illustre que même la notion de consensus demeure faillible. Elle conserve une part de subjectivité puisque elle se révèle variable: en fonction de l’influence culturelle, du poids des traditions, de l’intervention du pouvoir politique en place, ou selon l’orientation des projecteurs médiatiques… Si c’est l’uniformité de traitement de l’information par les médias qui rend compte d’un consensus, la carte des propriétaires de groupes de presse (établie par le Monde Diplomatique) doit rester en mémoire de chacun.
L’histoire de l’humanité regorge d’instances décisionnaires qui furent chargées de faire taire les hérétiques et les conspirateurs pour promouvoir la vérité: Inquisition, Politburo, Autodafés… les exemples sont légions… Combattre les idées fausses ? Vertueux objectif ? « Y en a qui ont essayé, ils ont eu des problèmes »
« MESINFORMATION »: LA MÊME RESTRICTION POUR TOUS ?
Reste la question de savoir comment traiter les « mésinformateurs ». Doit-on les considérer de facto comme déviants et infréquentables, ou comme les maillons nécessaires au processus de constitution de la connaissance ? Doivent-ils bénéficier du principe de liberté d’expression , ou doit-on les poursuivre et les réduire au silence ?
Pour déterminer la façon d’agir pour combattre la « mésinformation », il faut prendre en considération la nature de la source qui l’exprime. Traiter indifféremment la supposée méprise d’où qu’elle provienne pourrait s’avérer simpliste et inapproprié.
Fake-news médicales diffusées par les politiques (cf ci-dessus)
Comme les exemples précédents l’ont illustré, les politiques peuvent exprimer des informations erronées en leur conférant une valeur de vérité. Quelle que soit l’intentionnalité sous-jacente, il semble donc peu prudent de confier à cette corporation le soin de fixer le « mètre étalon » de la vérité médicale. Si une « désinformation » est avérée, le politique doit répondre de ses actes devant les juridictions compétentes. S’il s’agit d’une « mésinformation » (en dehors de son champ strict d’exercice du pouvoir), on peut peut-être considérer qu’il puisse bénéficier de la même indulgence publique que le reste des citoyens.
Par les médias ? (charte de Munich)
La question de la qualité de l’information délivrée par un média et de l’authenticité des sources est au coeur même de l’éthique journalistique.
La charte de Munich fixe les fondements du journalisme:
- Respecter la vérité, quelles qu’en puissent être les conséquences pour lui-même, et ce, en raison du droit que le public a de connaître la vérité.
- Défendre la liberté de l’information, du commentaire et de la critique.
- Publier seulement les informations dont l’origine est connue ou les accompagner, si c’est nécessaire, des réserves qui s’imposent ; ne pas supprimer les informations essentielles et ne pas altérer les textes et les documents.
- Ne pas user de méthodes déloyales pour obtenir des informations, des photographies et des documents.
- S’obliger à respecter la vie privée des personnes.
- Rectifier toute information publiée qui se révèle inexacte.
- Garder le secret professionnel et ne pas divulguer la source des informations obtenues confidentiellement.
- S’interdire le plagiat, la calomnie, la diffamation, les accusations sans fondement ainsi que de recevoir un quelconque avantage en raison de la publication ou de la suppression d’une information.
- Ne jamais confondre le métier de journaliste avec celui du publicitaire ou du propagandiste ; n’accepter aucune consigne, directe ou indirecte, des annonceurs
- Refuser toute pression et n’accepter de directives rédactionnelles que des responsables de la rédaction.
Transparence, pondération, probité, indépendance, auto-correction. Ces principes s’imposent théoriquement aux acteurs du 4ème pouvoir. Il appartient aux instances de contrôle des médias d’en faire appliquer les termes.
Au travers des réseaux sociaux
Où placer les réseaux sociaux dans la lutte contre la « désinformation »/ »mésinformation » ?
Parler à tort et à travers
Les fact-checkers les fustigent autant qu’ils les investissent. Les pouvoirs publiques ont dans le viseur ce qui s’apparentait à un « café du commerce » moderne. Ils alertent du danger que représenterait un espace où chacun s’exprime librement, quel que soit sa condition, son expertise, sa légitimité. Une partie de l’opinion publique semble partager cet avis puisqu’il est de bon ton de railler désormais « les spécialistes facebook » ou « les experts es-internet ». Les législateurs exhortent les réseaux sociaux à entamer un virage vertueux vers la protection des utilisateurs contre les fausses informations. Ces-derniers ont donc développé le principe de modération afin de filtrer les propos relayés sur leur plate-forme.
Combat pouvoir politique vs réseau social
L’espoir d’un arbitrage neutre et objectif n’a pas duré longtemps. Ainsi a-t-on pu voir le patron de facebook s’excuser d’avoir cédé aux pressions politiques exercées par l’administration Biden pour museler les contradicteurs durant la crise COVID. L’intouchable Google vient d’initier le même méa-culpa à la stupéfaction générale. Heureusement, les gouvernements européens ont pu, eux aussi, protéger leurs citoyens de la propagande étrangère en interdisant le réseau social Rumble. Thierry Breton se montre particulièrement vigilant face au danger représenté par les chinois de Tik-Tok et le réseau X (ex-Twitter tombé dans les mains de l’indiscipliné Elon Musk).
Annihiler le biais des algorithmes
La question des algorithmes qui favorisent la visibilité de certains types d’informations se pose indéniablement. Impossible pourtant de savoir dans quel sens l’algorithme compte taire une opinion ou promouvoir un point de vue. Ceux qui veulent combattre le biais généré par les propriétaires de réseaux sociaux semblent rapidement chercher à vouloir imposer leurs propres orientations. Financières ? Politiques ? Peut-être appartient-il aux usagers d’en rester avertis… et non à une quelconque autorité d’imposer ses propres manoeuvres correctives biaisées.
La meilleure défense restant l’attaque, le président français a appelé vendredi les Européens à «reprendre le contrôle de leur espace démocratique», accusant les géants du numérique d’alimenter la haine, la désinformation et la radicalisation politique (Le Figaro).
Décidément, réseaux sociaux et pouvoirs politiques entretiennent des relations tumultueuses…
Par l’industrie pharmaceutique

En matière d’évaluation des médicaments, qui aurait l’idée de se fier aux seules informations délivrées par ceux qui nous les vendent ?
S’il est possible de nourrir des desseins autres que le seul bien commun, la nature lucrative de l’industrie pharmaceutique justifierait un soupçon de prudence chez « ceux qui l’écoutent » . A partir de 2021, les médecins de plateaux ont pourtant passé leur temps à vanter les qualités des vaccins à ARNm en s’appuyant sur les seules études menées par les industriels. Mieux encore, l’Etat français a financé la campagne marketing desdites injections. Les ministres ont débordé d’enthousiasme, obligeant les firmes pharmaceutiques à pondérer eux-même les propos dithyrambiques dénués de fondement scientifique. Du jamais vu.
En parallèle, on assiste depuis 5 ans à une curieuse tendance qui consiste à considérer comme complotistes ceux qui tentent de rappeler la vocation première des laboratoires pharmaceutiques: verser des dividendes aux actionnaires.
Peut-être est-il nécessaire de rappeler les condamnations prononcées chaque années contre les principaux acteurs du secteur pharmaceutique ?
Lorsque le politique base sa politique sanitaire sur les seules données délivrées par les industriels qui vendent le médicament, et sur les recommandations de cabinets de conseil appartenant aux mêmes actionnaires, difficile de lui faire confiance pour protéger les citoyens de la « désinformation ». A-t-on affaire à de la simple incompétence ou aux résultats de collusions d’intérêt colorées de corruption ? Le rasoir D’Hanlon atteint peut-être ici ses limites…
Par des spécialistes et autres scientifiques
Parmi les différentes catégories susceptibles de diffuser des informations médicales, les scientifiques et les médecins devraient peut-être conserver un statut à part.
Médecins

Il appartient à un médecin de délivrer librement des soins adaptés à son patient. La décision thérapeutique s’inscrit dans le cadre d’une relation de confiance étroite « soignant/soigné », protégée par le secret médical. Le prescripteur doit recueillir le consentement éclairé du patient. Pour se faire, il a l’obligation de lui fournir des explications claires, exhaustives, accessibles et sincères. Il délivre les soins « en son âme et conscience« . Il pourra rendre des comptes, devant ses instances disciplinaires, voire devant la justice, si son patient vient à se plaindre des traitements administrés par son prescripteur.
Le droit de prescrire dépend du titre de docteur en médecine. Ce droit a comme contrepartie la responsabilité ordinale et pénale que les médecins endossent vis-à-vis de leurs patients. On aurait pu penser que le Conseil de l’Ordre des Médecins défendrait cette indispensable indépendance des professionnels de santé face au pouvoir politique. Certains événements sanitaires récents ont démontré le contraire…
Universitaires
Il existe, de même, une spécificité inhérente au statut de chercheurs et d’universitaires. Celle-ci découle de leur rôle déterminant dans l’élaboration du savoir et la transmission des connaissances scientifiques. Leurs libertés d’opinion et d’expression doivent, à ce titre, être impérativement préservées.
Au travers de leur activité de recherche et des publications internationales, ils contribuent directement à la construction du savoir médical. Bien qu’imparfait, le principe du peer review atteste du caractère « acceptable » des productions qui seront ensuite publiées et donc partagées via les revues scientifiques. Nous avons pu évoquer précédemment la complexité inhérente à l’établissement d’une vérité scientifique. Il y a un danger évident à remettre en cause la protection des universitaires qui exprimeraient des opinions divergentes. La probité à priori attendue au sein du secteur publique de la recherche justifie cette immunité. Si des « mésinformations » sont inévitables, on ne peut en blâmer le chercheur. La « désinformation », elle, n’y a pas sa place. Dans le cas contraire, des lois existent et peuvent s’appliquer pour punir les éventuels cas de corruptions.
Conclusion
Depuis quelques années, la lutte contre l’obscurantisme semble changer discrètement de stratégie. Dans l’indifférence générale, on observe un dangereux glissement sémantique: l’encouragement au « savoir penser par soi-même », à l’accès libre à l’information, à l’exercice de l’esprit critique, laisse place à un nouvel angle d’attaque. Celui de la restriction, de la modération, de l’interdiction, et de la punition. Bien sûr, ces mesures autoritaires visent à protéger les citoyens candides des mensonges éhontés, face auxquels ils ne pourraient se défendre seuls.
Censure ? vous avez dit censure ?
Outre une possible dérive totalitaire sous-jacente, cette vision simpliste dénote d’une ignorance totale de ce qu’est véritablement la science. Ceux qui ont tant invoqué l’esprit de Pasteur pour promouvoir la généralisation des injections à ARNm, devraient se souvenir que la France fut également le pays des lumières… Espérons que le trio d’experts « anti-désinformation médicale » conservera son indépendance vis-à-vis d’un quelconque pouvoir politique. Gageons que le duo Cymes-Veran prendra conscience de la difficulté de la tâche à laquelle il prétend s’atteler. Défendront-ils l’esprit de Diderot et d’Alembert ? Ou agiront-ils comme agents d’un clergé exhortant à brûler l’Encyclopédie « sous peine d’excommunication » ? L’histoire de la médecine déterminera s’ils s’inscriront comme contributeurs aux avancées de la Connaissance, ou comme collaborateurs aux pouvoirs politico-financiers…
Les vrais partisans de la science ne pourront ignorer cette citation apocryphe de Voltaire:

Les adeptes du scientisme, eux, chercheront à prouver que Voltaire ne la jamais prononcée. C’est malheureusement ce qui leur paraitra l’essentiel. Quand le sage montre la lune… CQFD