Allocution du président: entre ambivalence et approximations

« Ambivalence et approximations » semblent des qualificatifs adaptés à la récente prise de parole d’Emmanuel Macron. « Contradictions et inexactitudes » seraient des jugements trop sévères.

Quoi que…

L’exercice de style était périlleux. Convenons-en. L’annonce d’un re-confinement n’est pas chose simple. Fusse-t’il « allégé ».

 

Reprenons les princpaux points du discours:

Le nombre de décès quotidiens

Tout commence par l’annonce de 523 en 24h. Première approximation: Santé Publique France annonce 292 morts pour le 27/10/2020. Cause de la confusion ? A priori, la comptabilisation des décès en EHPAD, recueillis tous les 4 jours. Maladroitement ajoutée à la mortalité de la veille du discours présidentiel.

 

Tous les pays en Europe

Emmanuel MACRON assure que TOUS les pays d’Europe durcissent leurs mesures sanitaires. TOUS seraient confrontés à une aggravation de la situation.

En Suède, le gouvernement annonce pour le 1er Novembre une réouverture des boites de nuits. Il augmente le nombre maximum des personnes autorisées lors des manifestations publiques. La Suède fait-elle partie de l’Europe ? Un détail probablement.

 

Agir plus tôt n’aurait servi à rien

Le président anticipe les critiques des plus angoissés. Certains pays auraient durci leurs mesures avant nous. Mais, cela n’a pas été utile. Ils en sont au même point que nous.

Drôle d’introduction pour plaider la pertinence du confinement. Etrange façon d’illustrer l’efficacité attendue des mesures préconisées. La doctrine du « en même temps » ?

 

Saisonnalité … mais pas trop…

Grande nouvelle épidémiologique ! Ce virus préfère les températures fraîches.

Diantre ! Y aurait-il un facteur de saisonnalité pour expliquer les variations épidémiques du SARS-Cov2 ? Un facteur de confusion aux variations observées depuis Mars ? Que neni.  Notre président explique que le présent confinement se justifie par l’efficacité du précédent.

La saisonnalité est (enfin) reconnue pour la saison Automne/Hiver. De là, à envisager qu’elle ait pu expliquer la rémission épidémique de l’Eté dernier… Il n’y a qu’un pas, que notre conseil scientifique ne franchira manifestement pas. Trop simple. Cela aurait permis d’expliquer le mystère de la rémission suédoise.

 

Immunité collective suicidaire

Le Président détaille les différentes stratégies envisageables. Parmi elles, l’immunité collective. Il évoque le chiffre de 50 à 60 % de la population infectée pour l’atteindre. Ce chiffre reste totalement hypothétique. Il dépend de nombreux facteurs. En outre le R* attribué au virus, les possibles immunités croisées influeraient. Certains auteurs ont même supposé qu’un taux de 20% de personnes infectées pourrait être suffisant. Pour le moment, il est impossible de statuer pour ce micro-organisme. Les spécialistes apprennent en observant son évolution. Leur recul n’est que de 6-8 mois.

Il annonce le chiffre de 400 000 morts. Ce serait le prix à payer pour ce scénario qu’il qualifie de « laisser faire« . D’où provient ce chiffre catastrophiste ? Pour mémoire, des statisticiens avaient prédit plus de 50 000 morts à la Suède. Celle-ci dénombre 5927 décès COVID-19. Est-ce le même modèle prédictif qu’utilise Emmanuel MACRON ? Il serait triste de ne tirer aucun enseignement des erreurs de prévision récente. Les faits sont têtus.

 

La létalité du coronavirus

85 % des décès par la/le COVID-19 concerne des personnes de plus de 70 ans, annonce notre président… « mais il y a également des jeunes« … « même si c’est très rare » (sic)… Encore le « en même temps ». Voilà une information utile, claire et univoque !

On peut être plus précis. Une étude menée à Stockholm évalue l’IFR* du SARS-COV-2 à 0,09% pour les moins de 69 ans (comme la grippe, en somme). Le CDC* évoque, lui, une IFR comprise entre 0,007 % et 0,02 % pour les individus de 20-49 ans. Pour les moins de 20 ans, ces chiffres sont encore plus bas…

 

Santé et économie

Pas d’opposition entre « économie » et « santé »,  affirme le président. Toutefois, il se montre ferme: la protection des vies restera la priorité. Difficile de comprendre ces propos. S’il n’y a pas d’incompatibilité entre « économie » et « santé », pas besoin de choisir. Non ?

N’abordons pas ici l’indispensable évaluation du cout humain indirect lié aux mesures de confinements. Quid de l’impact d’une crise économique sans précédent sur la situation sanitaire du pays ? Le sujet à l’air déjà assez confondant pour notre président sans en rajouter.

Inutile de demander à nos savants de tenir compte des effets délétères de leurs stratégies sanitaires. Effets économiques, sociaux, psychologiques. Le conseil scientifique avait clairement déclaré ne pas entrer dans ces considérations. Or, le gouvernement suit le conseil scientifique. CQFD.

 

Confinement ciblé

L’hypothèse d’un confinement ciblé sur les personnes vulnérables est écartée d’un revers de main. Des considérations éthiques s’y opposeraient. Pas éthique d’imposer à une tranche de la population une limitation de leurs droits fondamentaux. Appliquer cette restriction à l’ensemble de la population règle la question. Etrange conception de l’éthique, qui plairait certainement à la Corée du Nord. Tous contraints.

De toute façon, cela ne suffirait pas, assène le président. Impossible de connaître les sources sur lesquelles se fondent cette affirmation. Normal. Personne ne sait prédire l’avenir. A part, peut-être, le Pr Delfraissy.

 

Ré-ouverture des lits hospitaliers

L’état du système hospitalier et la politique désastreuse de réduction des lits est courageusement abordée. Le discours est en revanche difficilement compréhensible. En gros, concernant l’augmentation des lits de réanimation: nous l’avons fait – mais ça ne peut pas se faire d’un claquement de doigt – et puis, de toute façon, ce ne sera pas suffisant non plus. Le sujet est clos.

 

 

Des décisions basées sur du flou

Telles furent les bases théoriques (certains diront bases pseudo-scientifiques) sur lesquelles les décisions sanitaires viennent d’être prises. Hasardeuses et politiques. On est bien loi de l’Evidence Based Medicine. Bien sûr, il faut néanmoins agir.

Il n’existe aucune certitude pour étayer les mesures coercitives mises en oeuvres. Il faudra néanmoins faire avec. Appliquons les règles sanitaires, et protégeons nos semblables.

Mais, cela ne passe pas que par le port des masques ou par le gel hydro-alcoolique. Soyons vigilants a préserver également une indispensable forme de proximité sociale. L’appellation peut paraître incongrue actuellement. C’est d’ailleurs ce qui est inquiétant. La distanciation protège (peut-être) des virus. Elle peut, tout autant, nuire en devenant abusive.

La déshumanisation des rapports inter-personnels. Le retour d’un individualisme « de bon ton« . Autant d’abîmes promues par la peur.

Soyons francs. Considérer l’autre comme un danger potentiel peut difficilement rimer avec solidarité. Assez des arguments fallacieux et politiquement corrects. Assumons notre volonté de rester unis et simples mortels

 

Lexique:

IFR : Infection fatality ratio = taux de létalité (décès parmi les individus infectés)

R : taux de reproduction

CDC: Centers for Disease Control and Prevention

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