Evaluer la validité d’un traitement

Mais comment donc s’assurer qu’un traitement est valable !?

 

Facile, répondront certains: il suffit de essayer ce traitement. D’avoir expérimenté soi-même son effet, et/ou de recueillir le témoignage d’aïeux, proches, amis, confrères … jusqu’à la voisine de pallier.

D’autres, plus prudents, expliqueront s’informer régulièrement via des médias santé. Certains louent les bouquins recensant les principes ancestraux de la médecine traditionnelle, ou suivent simplement et scrupuleusement les conseils prodigués par leurs prescripteurs. Le statut de « sachants » imposent aux thérapeutes d’être les garants de « leurs » médicaments, potions, cataplasmes; ensemble d’interventions supposées salvatrices.

« Le pharmacien me l’a délivré », « mon médecin me l’a prescrit », « mon ostéopathe me le recommande », « le site « Santé au naturel » y consacre un article »…

Accorder sa confiance aux figures d’autorité parait légitime. Est-ce pour autant suffisant ?

Il existe des critères fondamentaux à l’évaluation d’une intervention thérapeutique. Etre au clair avec chacun d’eux peut permettre d’aiguiser son sens critique. L’enjeu est simple: notre santé.

 

L’efficacité spécifiquestrength

 

Préambule

Elémentaire ! Suffit d’essayer ! De vérifier que ça marche… Pas si simple, en vérité. Comment être certain que le scénario observé aurait été différent si on n’avait pas pris le traitement, pas procédé à l’intervention évaluée ?

L’adepte du doute s’efforce d’user de son esprit critique. Une analyse rationnelle, pragmatique et athéorique ne peut alors se satisfaire de la simple observation singulière. Impossible de se résoudre à accorder aveuglément du crédit à ce qui est d’office présenté comme une certitude, sans qu’elle ne soit accompagnée de preuves. Une validation à priori relève du dogme, pas de la médecine. Elle risque fort de finir reléguée au statut de simple croyance, si on y regarde de plus près.

L’incorrigible sceptique va souvent exaspérer ses convives, déclarant que « ne pas avoir attrapé la grippe cet hiver » ne suffit pas à prouver l’efficacité des miraculeuses granules d’Oscillococcinum®. Elles sont pourtant bel et bien prescrites par leur homéopathe préféré et vendues par leurs apothicaires de proximité… Mais pourquoi l’incrédule ne se satisfait-il pas simplement du « ça a marché sur moi » ? C’est pourtant bien une preuve ! L’empêcheur de tourner en rond est-il donc un triste complotiste, nihiliste, doté d’une méfiance paranoïaque ? Fait-il simplement usage de prudence en cherchant à se soustraire aux influents marketings et autres biais de confirmation* ?

 

En pratique

Mieux que la simple « absence d’intervention »… c’est bien…

On pourrait être tenté de se suffire d’observer la simple amélioration des symptômes (et/ou la guérison de la maladie), après l’usage du traitement évalué, pour en attester l’effet. Pourtant, en y regardant de plus près, les choses se compliquent notablement. Considérons l’évolution d’une maladie bénigne et/ou cyclique. Comment savoir si, en l’absence d’intervention, les symptômes auraient perduré de façon significative ? L’inaction aurait-elle vraiment retardé la rémission du trouble ? Le hit-parade des maladies traitées par les médecines dites alternatives reste étonnamment occupé par les affections bénignes, caractérisées par une évolution cyclique de leurs manifestations: verrues, zona, douleurs pré-menstruelles et autres migraines sont ainsi particulièrement sensibles aux interventions des guérisseurs. Tenir compte de l’évolution naturelle (sans traitement) des symptômes complique donc l’interprétation de ce qui est observé par chacun. Impossible d’avoir une certitude sur l’effet d’un traitement, dans ces conditions. Seules des comparaisons répétées (reproductibilité de l’expérimentation) permettront de conclure.

 

Mieux que le placebo*, c’est… mieux !

Si on veut véritablement statuer, il va falloir évaluer l’efficacité en la comparant à une simulation de traitement, à une fausse intervention, une intervention « fantôme » – pas seulement à l’abstention thérapeutique. Qu’il s’agisse d’effet « prise en charge » ou d’effet placebo, il est démontré que toute action à visée thérapeutique agit sur la perception des symptômes, même en l’absence de principe actif véritable. Ce phénomène est aussi vrai pour la psychothérapie que pour le soulagement de la douleur. L’effet spécifique d’un traitement devra donc être significativement supérieur à celui du placebo pour se confirmer comme réel. Plutôt que de savoir si une maladie se serait prolongée si rien n’avait été fait, il sera plus probant de s’assurer que s’eût été le cas si on avait orchestré une parodie de traitement (rituel pseudo-magique ou poudre de perlinpinpin).

Plus encore, la comparaison ne sera scientifiquement exploitable qu’à condition qu’on applique la même conviction à l’intervention neutre (« témoin ») qu’au traitement évalué. C’est le seul moyen de se prémunir de l’incontournable biais lié à l’effet placebo. Un effet thérapeutique spécifique doit se concevoir comme inhérent aux caractéristiques propres du principe actif, au delà de la confiance qu’on porte en celui-ci. La croyance dans le traitement influence inexorablement son effet. L’efficacité réelle d’un traitement doit donc se mesurer, au delà de celle-ci.

Pour tout compliquer, il faudra (de plus) répéter l’expérimentation à l’identique, pour rendre le résultat obtenu véritablement significatif et exploitable sur le plan épidémiologique. Et oui… le hasard peut, lui aussi, venir fausser notre analyse. Un rhume peut mettre 3 jours à guérir chez un individu, à un instant donné, mais se prolonger au delà de 5 jours, chez la même personne, une autre fois. Si on applique le placebo pour le rhume de 5 jours, et le traitement étudié pour celui de 3 jours, on risque d’attribuer la différence observée à l’action du  traitement alors qu’il traduit la simple variabilité, normale et inévitable, d’évolution des maladies. L’expérience unique et singulière expose donc à un risque important de biais, qui sera à l’origine de faux positifs (risque de conlure à tort à un effet spécifique d’une substance) ou de faux négatifs (risque de ne pas mettre en évidence une différence statistique alors que celle-ci se confirmerait sur un échantillon plus large).

 

Au total

Désolé ! Conclure qu’un traitement est efficace se révèle bien plus complexe qu’il n’y paraissait…

Certains diront qu’ils n’ont cure de ces considérations superflues. Guérir de leurs symptômes suffit…peu leur importe comment ! Il est compréhensible que cette simplification paraisse séduisante. Pourtant, elle montre ses limites dès qu’on envisage les risques liés à l’usage d’un traitement hasardeux, non éprouvé, alors qu’un traitement reconnu existait (ou au simple retard de recours au traitement de référence par des tergiversations évitables). Même un traitement inefficace peut engendrer des effets indésirables, dès lors qu’il contient un principe actif. Au delà, retarder/empêcher l’initiation du véritable traitement préconisé en constitue déjà un grave.

 

 

 

La balance avantages/inconvénients (bénéfices/risques)

 

Un principe fondamental de pharmacologie

Si un traitement possède un effet spécifique sur notre santé, la règle veut qu’il exerce également d’autres effets annexes, en sus de son action thérapeutique principale. On parle alors d’effets secondaires. Parmi eux, certains peuvent s’avérer indésirables. Ils constituent alors des inconvénients liés à l’utilisation du principe actif. Il est donc indispensable de mettre en perspective l’évaluation des effets indésirables au bénéfice escompté.Balance-pondération

Si un patient est gêné par une verrue sur le bout d’un doigt. L’amputation dudit doigt peut apparaître comme un traitement efficace. Il est incontestable qu’en jugeant uniquement le résultat des soins sur l’unique critère « disparition ou non de la verrue », la réussite de l’intervention est sans appel. Bien que radicalement efficace, cette action thérapeutique peut-elle être, pour autant, qualifiée d’acceptable ? de satisfaisante ? Le remède n’a t’il pas été pire que le mal ?

Pondération relative des différents effets d’un traitement

Le caractère acceptable des inconvénients présentés par un traitement dépendra donc de la valeur attribuée à son effet thérapeutique. Des maux de tête iatrogènes* pourront être compensés par la survie que permet le traitement, dans le cas d’une maladie mortelle. Il n’en sera pas de même pour un médicament dit de confort, sensé agir sur un simple mal des transports. Lorsqu’il s’agit de commercialiser un vaccin, reconnu efficace sur une maladie contagieuse létale*, le niveau de tolérance de ses effets secondaires sera supérieur à l’acceptation du risque liés à l’utilisation de corticoïdes pour diminuer les symptômes bénins d’un rhume. Le scandale sanitaire du médiator® doit être ainsi analysé à la lumière de ce même principe. Ce traitement a exposé ses usagers à un risque cardiaque (valvulopathie). Mais il est d’autant plus inacceptable qu’une grande partie d’entre eux se sont vus prescrire ce médicament, hors A.M.M*, dans l’unique but de favoriser une légère perte de poids dans le cadre de surcharges pondérales mineures.

Ce principe de pondération du risque acceptable, par le bénéfice attendu, doit être impérativement intégré pour déterminer le sens dans lequel penche la balance avantages/inconvénients. Celle-ci est à estimer, au cas par cas, pour chaque traitement et pour chacune de ses indications.

 

Le recueil des différents effets
Cas des médicaments:

On doit donc prendre en considération, pour toute substance, l’intégralité de ses actions négatives (et positives). On pourrait penser que ce recueil des effets indésirables est aisé. Il y a d’ailleurs les précieuses notices, mises à la disposition des patients par l’industrie pharmaceutique dans les boites de médicaments. Qui ne s’y est jamais référé pour confirmer l’imputabilité d’une manifestation désagréable aux suspects comprimés ingérés ? La démarche est légitime. Là encore, c’est malheureusement loin d’être aussi simple.

Informations sur les effets secondaires: la fausse bonne idée du recueil par excès…

La liste des innombrables symptômes inscrits sur les notices, à la rubrique effets secondaires, est dressée par recueil de l’intégralité des manifestations alléguées par les participants lors d’une étude clinique, au stade de pré-commercialisation, sur la période d’essai du traitement étudié. Il n’est pas forcément nécessaire que la culpabilité du médicament soit avérée, pour que les plaintes rapportées soient mentionnées dans la liste des effets secondaires possibles. Voilà de quoi satisfaire pleinement les partisans du principe de précaution. Bien qu’imparfaite, cette modalité de recueil convient aux laboratoires pharmaceutiques (qui se préservent ainsi d’éventuels procès), aux instances sanitaires (pour les mêmes raisons), ainsi qu’aux associations de patients (qui perçoivent, à tort, ce « recueil par excès » comme plus protecteur pour l’usager). Il est pourtant loin de l’être en vérité. Retrouver un symptôme ressenti dans la liste des effets secondaires inscrits dans la notice perd tout intérêt. Le patient dispose finalement d’informations inexploitables: somnolence/excitation, diarrhée/constipation, prise/perte de poids… tant de symptômes, aussi communs qu’opposés, co-existants au sein d’une même énumération, sans que ça ne dérange personne.

Il existe bien des moyens pour connaître les inconvénients véritablement attribuables aux différents traitements. Il est possible de se référer aux études internationales. Elles sont régulièrement publiées et susceptibles de confirmer un lien de causalité supposé. Toujours dans le cas précis du médicament, la pharmacovigilance est l’activité qui consiste à enregistrer et évaluer les effets secondaires (en particulier les effets indésirables) résultant de l’utilisation des spécialités pharmacologiques. Les spécialistes usent de critères d’imputabilités qui répondent à des règles statistiques et épidémiologiques. Ils recherchent les mécanismes pharmacologiques expliquant le lien de cause à effet. Chaque C.H.U* possède un service de pharmacovigilance. Celui-ci est chargé de recueillir l’intégralité des témoignages qui lui sont transmis dans le but de constituer une banque de données. Elle est alimentée régulièrement grâce à une démarche collaborative, impliquant patients comme médecins. C’est souvent après la commercialisation d’un médicament (et sa large utilisation) que les informations fondamentales concernant sa tolérance* vont être recueillies. On mesure l’importance que revêt l’ancienneté d’un médicament pour évaluer la fiabilité des connaissances acquises sur ses effets.

Les traitements non médicamenteux:

Quid des traitements en vente libre ? Des remèdes de grand-mères à la fabrication artisanale ?

Pour bon nombre de produits à visée thérapeutique, promus par des approches médicales dites alternatives, la règlementation est bien moins stricte que pour le médicament. Cet étonnant laxisme résulte probablement de plusieurs raisons, parmi lesquelles:

  • une apparente et supposée innocuité,
  • le non remboursement par les organismes de couvertures sociales,
  • l’accès aux produits sans prescription nécessaire préalable,
  • peut-être également, l’action d’un lobby, bien moins repéré que celui de Big Pharma, mais dans lequel les investisseurs voient un futur florissant…

Les compléments alimentaires et autres produits de phytothérapie sont en plein essor. Les patients seraient désormais bien avisés d’intégrer que « Bayer® et consort » n’ont plus le monopole de la recherche du profit. Les firmes bio-écolo ne sont ni des organisations à visée humanitaire, ni des associations à but non lucratif.

La Revue Prescrire (dont la publication est indépendante de toute subvention industrielle) alerte ainsi régulièrement sur les effets secondaires et interactions médicamenteuses, sous-estimés chez les produits phytothérapiques.

Plus que jamais, des études épidémiologiques sont nécessaires ! La pharmacovigilance reste probablement encore une fois l’interlocuteur de choix. Il est indispensable que tout produit ou dispositif, prétendu avoir une action spécifique sur la santé, soit évalué avec la même rigueur et la même exigence de transparence, médicament ou non. Même ce qui est naturel peut présenter des risques !

 

 

 

Les conditions d’utilisation

Maman s'interroge
Maman s’interroge

 

Un traitement peu devenir une substance pathogène selon l’utilisation qui en est faite … et vice-versa…

Le SUBUTEX® est un traitement de la dépendance aux opiacés. Il faut laisser fondre les comprimés sous la langue pour une bonne absorption. Si on les avale, on les élimine directement. En revanche, si on écrase les comprimés pour les injecter, le traitement devient une substance addictive et localement toxique. On parle de mésusage. Autre exemple, la nicotine inhalée provoque inévitablement un phénomène de dépendance aux effets dévastateurs. En libération prolongée par voie transdermique, via des patchs adhésifs, cette même nicotine présente une balance bénéfice/inconvénient sans égal pour traiter le tabagisme.

 

Un outil efficace est sans intérêt si mal utilisé

L’efficacité d’un principe actif et l’évaluation de sa balance bénéfices/inconvénients sont des éléments indispensables pour guider le choix d’un traitement. Encore faut-il avoir précisément pris en considération les modalités d’usage à respecter.

Parmi celles-ci:

  • le respect de l’indication: les plus puissants antibiotiques demeurent inutiles pour les infections virales,
  • le respect des contre-indications: le scandale de la Dépakine® a révélé des malformations foetales, survenues lorsque cet anti-épileptique fut prescrit durant une grossesse (il était pourtant déjà connu comme tératogène*, et donc bien contre-indiqué),
  • la posologie: un traitement sous dosé sera inefficace, à contrario il présentera des risques majorés de toxicité et/ou d’effets indésirables en cas de surdosage,
  • le mode d’administration: un suppositoire doit être introduit par son extrémité plate (et non fusiforme); la plupart des gélules ne doivent pas être ouvertes avant d’être avalées; s’injecter des comprimés d’anxiolytiques écrasés expose à un risque détresse respiratoire,
  • l’heure ou le contexte de la prise: les hormones thyroïdiennes doivent être ingérées le matin à jeun (sous peine d’en compromettre la bonne absorption),
  • la durée de la cure: une antibiothérapie pour une infection précise doit être poursuivie pendant une durée déterminée, selon les recommandations des autorités de santé (souvent au delà de la simple disparition des symptômes); les antidépresseurs ne montrent un effet thérapeutique qu’au delà de 2 à 4 semaines de traitement…

 

Un exemple … éclairant !

Le cas de la luminothérapie illustre particulièrement bien les enjeux primordiaux d’une bonne maîtrise des modalités d’usage. Les données récentes de la science viennent de confirmer qu’une exposition quotidienne à une luminosité intense présente un effet antidépresseur, au même titre que les spécialités pharmaceutiques. C’est une petite révolution pour les approches thérapeutiques non médicamenteuses. Par conséquent, de nombreuses personnes se procurent les précieuses lampes, pour traiter leur trouble de l’humeur.

Les patients sont-ils pour autant certains de respecter scrupuleusement les critères d’efficacité du protocole thérapeutique, tel qu’il a été étudié ? En sont-ils seulement informés ? Y sont-ils attentifs ?

Pour agir sur l’humeur, les expositions à la lumière blanche doivent être quotidiennes, effectuées le matin, les yeux ouverts, à raison de 30 minutes par séance, et pour une intensité lumineuse de 10 000 Lux. Ce dernier point est particulièrement fondamental. Pourtant, force est de constater que les distributeurs de matériels de luminothérapie cultivent un flou certain concernant la puissance de leurs lampes. C’est pourtant ce qui détermine à quelle la distance du visage il faut placer la lampe pour se conformer aux critères d’efficacité reconnus. Les modes d’emploi proposent parfois un positionnement du visage à 50 cm de la source lumineuse… confortable, mais les caractéristiques techniques du fabricant mentionnent pourtant qu’une intensité de 10 000 Lux n’est obtenue qu’à une distance de 20 cm maximum !

Il est fort probable que la majorité des possesseurs de lampes de luminothérapie utilisent un traitement bel et bien reconnu efficace, mais d’une façon qui ne le rend pas plus utile qu’un simple placebo. Outre le gaspillage financier, l’absence de bénéfice attendu constitue, en soi, un dommage conséquent.

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Illustration d’un guide pour l’achat d’une lampe sur internet… chercher l’erreur ! ?

 

 

 

 

Traitement médicament ou non médicamenteux: une frontière à (re)préciser…

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Définition du médicament

En France, le statut de médicament implique le respect d’un certain nombre de règles de commercialisation, fixé par les autorités sanitaires. Le médicament se définit comme une spécialité pharmacologique composée d’un principe actif et d’excipients*. Ils sont prescrits par un professionnel de santé et délivrés par un pharmacien. Les médicaments nécessitent généralement une ordonnance pour leur délivrance. Certains d’eux peuvent néanmoins être en vente libre; ils ne sont alors pas remboursés par la sécurité sociale. Le développement de nouveaux médicaments est soumis à un circuit complexe, constitué par des essais cliniques qui visent à en confirmer les effets thérapeutiques. Ils permettent de préciser les modalités d’usage, de déterminer les effets indésirables et les contre-indications avant la mise à disposition en officines. La validation finale du médicament est subordonnée à une A.M.M (autorisation de mise sur le marché) pour chaque indication du produit. Seule l’homéopathie conserve, aujourd’hui encore, un mystérieux statut à part, l’exonérant d’A.M.M…

Si le parcours du médicament répond à une règlementation stricte depuis la conception jusqu’à la commercialisation, les instances sanitaires restent vigilantes, bien au delà. Il est donc indispensable de réévaluer en permanence les balances bénéfices/risques.

Dès lors qu’un produit « non médicamenteux » se prévaut d’une action intrinsèque véritable sur un organisme vivant, la distinction faite avec les médicaments est-elle légitime ? Elle repose le plus souvent sur des aspects réglementaires (nécessité d’une A.M.M avant commercialisation,  effet significatif prouvé face à placebo, délivrance soumise à prescription, remboursement par les organismes de couverture santé, etc..). La recherche d’arguments médicaux objectifs et légitimes semble plus hasardeuse. En outre, on pourrait penser que l’appellation de médicament lui garantit une efficacité que les autres produits ne peuvent que lui envier. lI existe, en réalité, des médicaments dont l’effet véritable est remis en question, voire qui échouent à confirmer la significativité de leur effet (pourtant évalué initialement par rapport au placebo). Tanakan®, Vastarel®, Lumirelax® allongeraient ainsi inutilement les ordonnances selon la revue Prescrire… A contrario, la plupart des principes actifs utilisés dans les médicaments étant d’origine naturelle, il est donc tout à fait cohérent que des éléments « bruts » puissent aussi se prévaloir d’un effet thérapeutique sur l’organisme. Ces produits sont contenus dans les gélules de compléments alimentaires. Resterait à mesurer précisément, scientifiquement leurs effets.

 

La phytothérapie*, les probiotiques* et autres compléments alimentaires.

Plantes et alicaments* contiennent donc parfois des principes actifs susceptibles d’influer sur la santé. Pourtant, quand le statut de médicaments ne leur est pas attribué, leur usage reste peu encadré et leurs effets mal évalués. Les patients accordent parfois une confiance aveugle dans cette auto-médication à l’apparente innocuité. Cette candeur n’a d’égal que la méfiance nourrie vis-à-vis des spécialités médicamenteuses dites « chimiques ». Naturel ne signifie pourtant pas une absence de toxicité. Dans la pratique, l’absence d’effet secondaire trahit le plus souvent une faible quantité de principe actif et donc une absence de bénéfice probant pour la santé. A contrario, si l’apport en une substance (naturelle ou pas) est suffisant pour induire un effet biologique significatif, on doit porter la plus grande attention aux éventuels effets secondaires (médicament ou pas !). Pourquoi ces produits ne sont-ils pas, dès lors, contrôlés par les autorités de santé avec la même rigueur que le sont les médicaments ? Bien que justifiée, une vigilance similaire serait probablement impossible à mettre en place. Où situer la frontière ? Le café est actif sur la migraine par effet vasoconstricteur*, il comporte des effets secondaires qui peuvent aller jusqu’à l’intoxication*… faut-il pour autant lui attribuer le statut de médicament ? faut-il réglementer sa délivrance ?

 

Les autres formes de traitements

Quelles soient issues de pratiques ancestrales ou précurseurs d’une nouvelle médecine « high tech », d’autres approches thérapeutiques se distinguent des traditionnels comprimés, cachets, et de toutes les autres matières organiques destinées à être absorbées par l’organisme. On peut citer:

  • Les actions externes appliquées sur le corps: acupuncture, kinésithérapie, application du froid/du chaud à visée antalgique, usage de courants électriques et/ou électromagnétiques…
  • Les objets qui soignent (ou pallient): lampes de luminothérapie, prothèses, lunettes et autres orthèses …
  • Les traitements dématérialisés: usage de la Méditation Pleine Conscience pour la dépression, l’anxiété…
  • Le développement de l’interface homme/machine: le neurofeedback*, le biofeedback*, les exosquelettes*, la réalité virtuelle…

Même s’ils se distinguent des médicaments, tels qu’on les conçoit actuellement, ces approches devront être évaluées sur des critères identiques: preuves de leur efficacité (par mesures répétées, avec comparaison à d’autres techniques), évaluation de l’acceptabilité du traitement, bon respect des modalités d’utilisation…

Nouvelles technologies: SEGA au secours de enfants hyperkinétiques ?

Le déficit attentionnel de l’enfant avec ou sans hyperactivité (TDA/H) justifie d’un traitement médicamenteux par psychostimulants (méthylphénidate) quand ses répercussions sont significativement handicapantes et ont résisté aux approches pédagogiques, éducatives et psychothérapiques de première intention. En l’état actuel des connaissances scientifiques, seul le neurofeedback* semblerait en mesure d’offrir une alternative thérapeutique non médicamenteuse aux enfants souffrant d’un TDA/H. Le traitement consiste en des séances répétées durant lesquelles l’enfant est équipé d’un casque qui permet l’enregistrement de son activité cérébrale. Il doit interagir sur une séquence vidéo gérée par un logiciel informatique spécifique. L’objectif est de favoriser certains types d’activité cérébrale, dans une visée rééducative (maintien d’une attention soutenue). La technologie serait encore loin d’être aboutie mais l’utilisation du neurofeedback se développe déjà dans les cabinets médicaux et para-médicaux.

Le temps viendra  où il faudra comparer l’effet des jeux vidéos à celui des spécialités pharmaceutiques !

 

 

 

Conclusion

 

Les traitements ne se cantonnent donc pas aux seuls médicaments. Au contraire de ce qu’on pourrait croire, certains médicaments sont même déconseillés par la revue indépendante Prescrire. Les remèdes alternatifs exposent eux à trop d’incertitudes quant à leurs effets véritables, parfois illusoires, et à leurs dangers, souvent sous évalués.

Quel que soit le cadre règlementaire de sa commercialisation, un traitement (médicamenteux ou non) doit être jugé selon son efficacité et sa balance avantages/inconvénients. Y recourir implique le respect scrupuleux des recommandations accompagnant son utilisation.

La catégorisation actuelle des « outils de soins » est obsolète. Une analyse rationnelle met à mal le traditionnel clivage entre médicament et non médicament. Les limites entre traitements curatifs, traitements préventifs, simples facteurs de renforcements de la santé et/ou traitement de confort restent également imprécises. La science nous impose l’idée d’un continuum au sein duquel seule l’évaluation de la balance bénéfice/risque et une information optimale des usagers peuvent orienter la décision thérapeutique et déterminer le bénéfice qui en découlera.

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Le mal de gorge est réputé comment pouvant être amélioré par des pastilles, prévues à cet effet et vendues en pharmacie. Au miel ou à la cerise, avec antiseptique ou sans, vitaminés ou non, leur effet serait finalement équivalent. Pire encore, les dernières études déterminent que se serait simplement la sécrétion de salive, stimulée par l’action de sucer un bonbon (ou de mâcher un chewing-gum) qui permettrait d’atténuer la douleur pharyngée.

HARIBO® serait donc aussi performant pour traiter le mal de gorge que l’industrie pharmaceutique…  Quand on se souvient du gout de certaines pastilles antiseptiques de notre enfance, il y a de quoi nourrir des regrets… des rancoeurs ?

 

 

Lexique: (Wikipédia)

– biais de confirmation: biais cognitif. Consiste à privilégier les informations confirmant ses idées préconçues ou ses hypothèses (sans considération pour la véracité de ces informations) et/ou à accorder moins de poids aux hypothèses jouant en défaveur de ses conceptions.

– placebo: substance sans principe actif. En raison de son aspect, peut agir par un mécanisme psychologique sur un sujet croyant prendre une substance thérapeutique.

– iatrogènes: se dit des troubles provoqués par un traitement médical ou un médicament.

– A.M.M: Autorisation de mise sur le marché. C’est l’accord donné à un titulaire des droits d’exploitation d’un médicament fabriqué industriellement pour qu’il puisse le commercialiser.

– C.H.U: centre hospitalo-universitaire.

– tolérance (pour un traitement): capacité de l’organisme à supporter sans effet gênant l’administration de substances chimiques, dont des médicaments, ou des traitements par des agents physiques.

– excipients: toute substance autre que le principe actif dans un médicament. Son addition est destinée à conférer une consistance donnée, ou d’autres caractéristiques physiques ou gustatives particulières, au produit final, tout en évitant toute interaction, particulièrement chimique, avec le principe actif.

– tératogène: agents pharmacologiques qui lors de leur utilisation provoquent le développement de masses cellulaires anormales au cours de la croissance fœtale, provoquant des défauts physiques sur le fœtus.

– probiotiques: micro-organismes vivants (bactéries ou levures). Ajoutés comme compléments à certains produits alimentaires, comme les yaourts ou les céréales, ils auraient un effet bénéfique sur la santé de l’hôte.

– phytothérapie: médecine fondée sur les extraits de plantes et les principes actifs naturels.

– alicaments:  (ou « médicaliment », « nutraceutique » ou « nutriceutique ») néologisme de l’industrie agroalimentaire. Alicament semble toutefois surtout utilisé en France ; au Canada notamment le terme a été supplanté par « aliment fonctionnel », traduction du terme anglais « functional food »

– vasoconstricteur: substance qui agit de façon à rétrécir les vaisseaux sanguins, c’est-à-dire à rétrécir leur lumen. Les vasoconstricteurs sont utilisés cliniquement pour accroître la pression sanguine ou réduire localement le flot sanguin.

– intoxication au café:

– biofeedback: ensemble des techniques, principalement relatives à la bioélectricité pour la mesure de fonctions organiques. Il repose sur la visualisation, avec des appareils électriques, des signaux physiologiques d’un sujet, conscient de ces mesures. Plus précisément, il y a biofeedback lorsque le sujet en question peut contrôler les fonctions organiques mesurées. Qu’il le fasse volontairement (par exemple, d’après les résultats et pour corriger un stress) ou involontairement (par exemple, après un changement d’état psychologique tel que la survenue d’un stress).

– neurofeedback: technique thérapeutique qui montre à l’utilisateur en temps réel l’activité de ses ondes cérébrales. Elles sont mesurées par des électrodes placées sur le cuir chevelu, et visualisées sous la forme d’une image, d’un son.

– exosquelette: les exosquelettes d’assistance à l’effort sont des structures mécaniques qui doublent le squelette humain. Elles lui confèrent des capacités physiques qu’il n’a pas ou plus.

 

Références:

– PHARMACOLOGIE ET THÉRAPEUTIQUES – 2ème édition – Thibaut Caruba, Emmanuel Jaccoulet  – Elsevier Masson

– Effectiveness of EEG Biofeedback as Compared with Methylphenidate in the Treatment of Attention-Deficit/Hyperactivity Disorder: A Clinical Outcome Study Mohammad Ali Nazari, Laurent Querne, Alain De Broca, Patrick Berquin

– Liste des 68 médicaments à éviter. Revue Prescrire 2014; 34 (364) : 137-142

– D.S.M V Intoxication à la caféine. « Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders », publié par l’American Psychiatric Association.

– Maux de gorge. Revue Prescrire 2011; 31 (334) : 614-616

– Phytothérapie en France : utilisation fréquente. Revue Prescrire 2008 ; 28 (297) : 508

– PLoS One. 2017 Jan 26;12(1):e0170795. doi: 10.1371/journal.pone.0170795. eCollection 2017. fMRI Neurofeedback Training for Increasing Anterior Cingulate Cortex Activation in Adult Attention Deficit Hyperactivity Disorder. An Exploratory Randomized, Single-Blinded Study. Zilverstand A, Sorger B, Slaats-Willemse D, Kan CC, Goebel R, Buitelaar JK.

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