Insomnie: des révélations

De surprenantes recommandations, prodiguées par les spécialistes du sommeil, peinent à trouver leur écho chez les insomniaques.

Parmi les motifs de consultations médicales, les troubles du sommeil (et particulièrement l’insomnie d’endormissement) figurent en première ligne. Les conséquences potentielles des insomnies sont légions: somnolences diurnes, troubles attentionnels, irritabilité, épuisement…

Lorsque nous passons une «mauvaise nuit», de véritables cercles vicieux se constituent dans nos pensées et impactent nos habitudes. Ils peuvent alors pérenniser, ce qui aurait pu (et probablement du) n’être qu’un dérèglement transitoire, contextuel et sans conséquence…
Outre l’anxiété anticipatoire de ne pas dormir, de mauvais réflexes (qui se voudraient «compensatoires») peuvent aggraver les difficultés initiales à trouver l’endormissement. Ils deviennent, insidieusement, les véritables causes de l’insomnie.
La dépression guette l’insomniaque au terme de ce qu’il vit comme une véritable descente aux enfers

Malgré d’importants retards dans l’étude et la compréhension des mécanismes physiopathologiques du sommeil, des services de consultations spécialisées sont désormais susceptibles de vous délivrer des informations essentielles. Elles vous permettront d’éviter l’expansion des «amorces» de dérèglements de votre sommeil, voire d’obtenir la guérison de troubles confirmés.

Voici les conseils prodigués par le Centre du sommeil de l’hôpital Bichat, à Paris, lors des consultations pour difficultés d’endormissement. Bien souvent, ce n’est qu’après avoir demandé instamment aux patients d’appliquer ces consignes fondamentales que le spécialiste pourra évaluer l’existence d’un trouble médical primitif. Seul lui serait susceptible de justifier d’une thérapeutique spécifique.

Alors gagnez du temps et consultez, ci-dessous, les règles du « Contrôle du Stimulus » !
Lorsque l’insomnie devient chronique, il existe généralement un conditionnement néfaste qui s’est installé. L’esprit associe alors le lit (et la chambre à coucher) à l’éveil (et à la peur de ne pas dormir). L’objectif devient alors de recréer le lien «lit-sommeil» et de ré-associer la chambre à coucher avec le sommeil.

 

Mesures à mettre en place :

1/ Couchez vous uniquement lorsque vous ressentez le besoin de dormir ! Repérez les signaux de somnolence : bâillements, fermetures des paupières, frottements des yeux, …

2/ Une heure avant le coucher, marquer une transition entre l’éveil et le sommeil. Développer une routine, un rituel avant de vous mettre au lit (boire une tisane, mise en pyjama, vérifications des pièces de la maison…)

3/ Le lit ne doit être utilisé que pour dormirà l’exception des rapports sexuels ! : ne pas y lire, ni manger, ni regarder la télévision, ne pas regarder son téléphone…

4/ Si vous ne parvenez pas à vous endormir au bout de 20 à 30 minutes, levez-vous ! allez dans une autre pièce, débutez une activité relaxante (lecture, musique douce, préparation d’une boisson chaude…), restez dans une luminosité tamisée. Quand la somnolence réapparait, retournez au lit…
Répétez autant que nécessaire (si un train a été manqué, vous prendrez le prochain !)

5/ N’essayer pas de vous endormi à tout prix ! Ces efforts risquent fort d’être contre-productifs, en activant vos pensées et en augmentant l’anxiété vis-à-vis de l’endormissement (principale cause… d’insomnie)

6/ Réglez votre « réveil-matin » et levez vous à la même heure tous les jours ! Quelles que soient l’heure  d’endormissement de la veille et/ou la durée de sommeil de la nuit précédente, levez-vous à la même heure même le week-end !

7/ Une fois levé, marquez l’éveil en prenant votre douche, en allumant un éclairage vif

8/ Ne faites pas de sieste dans la journée de plus de 30 minutes.

 

Toutes ces mesures ont pour objectif de vous permettre de récupérer un bon sommeil en réassociant le lien naturel entre lit et sommeil. Il est probable que vous n’arriverez pas à modifier toutes vos habitudes du jour au lendemain. C’est normal, il faut le plus souvent plusieurs semaines avant de récupérer un sommeil de meilleure qualité.


 

ATTENTION: Contrairement à une idée reçue, encore trop souvent relayée par les professionnels de santé eux-mêmes, les «somnifères» n’améliorent pas véritablement le sommeil. Ils en donnent juste l’illusion, en induisant artificiellement l’endormissement et en maintenant un état de léthargie forcée… C’est ce qu’on nomme l’effet hypnotique.

Il est important de noter que la plupart des médicaments hypnotiques appartiennent à la même famille pharmacologique que les anxiolytiques (à ce titre, ils peuvent, d’ailleurs, diminuer la crainte de ne pas dormir, en sus d’un effet placebo indéniable). Les benzodiazépines possèdent en effet 4 grandes actions thérapeutiques : myorelaxantes (ex-Myolastan®), anti-épileptiques (Rivotril®), anxiolytiques (Lexomil®) et donc… hypnotiques (Imovane® et co.) ! C’est surtout la durée de vie du médicament dans l’organisme qui diffère significativement d’un produit à l’autre : dans le meilleur des cas, ceux qui sont utilisés comme somnifère présentent une durée de vie courte. Ces médicaments partagent en revanche leurs principaux effets indésirables : troubles de la mémoire, risque de somnolence (tiens, tiens !), tolérance (obligation d’augmenter les posologies avec le temps pour maintenir le même effet), et bien sûr, addiction. Attendez ! Le plus édifiant reste à venir:   Les spécialistes du sommeil peuvent aujourd’hui affirmer que, si ces traitements rassurent les usagers en leur donnant la réconfortante illusion de « mieux dormir », leur action véritable sur l’architecture du sommeil est le plus souvent désastreuse. Ils diminuent la durée relative des phases de sommeil profond, responsables du caractère récupérateur du repos, tant recherché. Enfin, en induisant artificiellement un endormissement, là où l’organisme ne l’aurait pas forcément décidé, ils sont facteurs de constitution de véritables cercles vicieux que le spécialiste aura toutes les peines du monde à inverser – création d’une relation de « cause à effet » (erronée mais bien ancrée) entre la pilule « miracle » et le précieux sommeil.

Parmi les traitements récents, la mélatonine paraît susceptible d’offrir une alternative médicamenteuse intéressante à ce qui ne devrait donc plus être prescrit pour l’insomnie. Pourtant, le recul reste insuffisant pour statuer et la Haute Autorité de Santé (H.A.S) ne reconnait d’indication véritable que dans l’insomnie de l’adulte de plus de 55 ans. Il est probable que le recours à cette neuro-hormone épiphysaire ne soit véritablement bénéfique qu’aux individus qui présenteraient un dérèglement de sa sécrétion sur le cycle quotidien.

 

Surtout, n’oubliez pas que le sommeil requiert une obscurité la plus totale possible et que le silence est, plus que jamais, … d’or !
Si votre téléviseur reste allumé, n’espérez pas atteindre les dimensions profondes du domaine de Morphée… Votre système sensoriel, dévolu à la perception auditive, restera stimulé, en éveil, et maintiendra votre sommeil à un stade léger… non récupérateur… Quelle perte de temps ! On ne voit pas la fin du film et on ne se repose pas non plus…

 

En résumé, si vous passez une nuit perturbée (voire même quelques unes !) ….

                                                                    PAS DE PANIQUE :

votre corps est une machine merveilleuse qui va naturellement tendre vers le retour à un cycle veille/sommeil apte à assurer sa bonne santé (sauf si votre anxiété infondée vient ne l’en empêcher !)
on ne cherche jamais à compenser une nuit perturbée en augmentant volontairement le nombre d’heures de sommeil de la nuit suivante ! C’est une hérésie qui risque fort d’induire un dérèglement et un stress (si vous ne parvenez à mettre en place ce que votre corps ne réclamait pourtant pas) !
-de même, décaler son heure de lever matinal pour rattraper un endormissement tardif est dangereux… c’est la voie privilégiée vers un « retard de phase » (décalage du cycle) que vous pourriez avoir toutes les difficultés du monde à enrayer !

 

Bonne nuit ! 😉

 

Références :

-J Clin Sleep Med. 2014 Jan 15;10(1):35-42. doi: 10.5664/jcsm.3354.
Polysomnographic findings in a cohort of chronic insomnia patients with benzodiazepine abuse.
– CMAJ. 2000 Jan 25;162(2):225-33.
Meta-analysis of benzodiazepine use in the treatment of insomnia.
– Therapie. 2015 Jul-Aug;70(4):347-50. doi: 10.2515/therapie/2014218. Epub 2015 Feb 16.
Drugs and Sleep Apneas? A review of the French Pharmacovigilance database.
– Prescrire Int. 2008 Oct;17(97):206-12.
Sleep complaints: Whenever possible, avoid the use of sleeping pills.
– JAMA. 2006 Jun 28;295(24):2851-8.
Cognitive behavioral therapy vs zopiclone for treatment of chronic primary insomnia in older adults: a randomized controlled trial.
– Lancet. 2004 Nov 27-Dec 3;364(9449):1959-73.
Insomnia.
-Prescrire Int. 1998 Jun;7(35):86-7.
Insomnia: cognitive and behavioural alternatives to drug therapy.
– PLoS One. 2013 May 17;8(5):e63773. doi: 10.1371/journal.pone.0063773. Print 2013.
Meta-analysis: melatonin for the treatment of primary sleep disorders.
-Haute Autorité de Santé 2009 Nov.
Quelle place pour la mélatonine (Circadin®) dans le traitement de l’insomnie ? – Fiche BUM

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *