RECOVERY: la méthodologie a tué l’éthique et la logique médicale

L’ambiance qui règne sur les réseaux sociaux est électrique. Oser critiquer la pertinence de la grande étude britannique RECOVERY sera probablement considéré comme preuve irréfutable de « complotisme ». Pensez-vous, la méthodologie est celle qui fut tant réclamée par les défenseurs de la rigueur scientifique. DISCOVERY, RECOVERY et consorts… Les exemples de ce qu’il faut faire quand on est attaché aux fondements de l’épidémiologie et au contrôle des biais statistiques.

Peu importe le temps pris pour constituer ces savants protocoles et obtenir d’éventuels résultats (DISCOVERY n’aboutira pas, faute de patients). Le recours à des fonds privés n’est pas non plus un problème. C’est cette approche méthodique de la santé qu’il fallait prioriser à toute autre considération, selon les détracteurs de l’IHU de Marseille.

 

L’hydroxychloroquine

Inutile de rappeler que ce protocole a déjà fait parlé de lui en administrant aux patients de l’ hydroxychloroquine à des posologies bien supérieures à ce que préconisaient ceux qui la supposent active sur le coronavirus. Qu’à cela ne tienne ! L’étude a conclue à son innocuité. Il aurait été, en revanche, mis en évidence une telle absence de bénéfice qu’il fut décidé d’en interrompre l’évaluation avant le terme du protocole. Du jamais vu. Une étrange précipitation. On  rappelle que le recueil des données, obtenues en double aveugle, demande un traitement laborieux et rigoureux, avant de faire émerger d’éventuels résultats exploitables. Peut-être la commission d’éthique a-t’elle craint de porter tort aux patients sous l’hydroxychloroquine ?

 

Arrêtons-nous cette fois-ci, quelques minutes, sur l’évaluation d’une autre molécule dans les COVID-19: la Dexamethasone

Pour rappel:

  • RECOVERY est donc une étude contrôlée, randomisée en double aveugle contre placebo. Elle vise à évaluer différents traitements chez les personnes infectées par le SARS-CoV-2. Le protocole comprend plusieurs branches. Chacune étudie l’effet d’un traitement, en le comparant à l’administration d’un placebo. Ni le patient, ni le médecin, n’est censé savoir si il appartient au groupe traitement ou au groupe placebo. Les molécules testées par RECOVERY sont les suivantes: hydroxychloroquine, tocilizumab, azithromycine, lopinavir-ritonavir, dexamethasone, plasma de patients guéris.
  • La Dexamethasone est un puissant corticoïde de synthèse. Elle est réputée comme 40 fois plus puissante que le cortisol. Comme lui, elle présente des effets anti-inflammatoire et immuno-suppresseur.
    • Les effets anti-inflammatoires sont utiles lorsque des symptômes gênants sont induits par une réaction inflammatoire (fièvre, douleurs, oedèmes…) Ces manifestations, bien qu’inconfortables, traduisent néanmoins la nécessaire mis en action de nos défenses immunitaires. La présence d’une inflammation nous signale l’existence d’un problème médical. Les réactions qui l’accompagnent permettent à notre corps de se défendre vis-à-vis d’agressions extérieures.
    • Les immunosuppresseurs diminuent les défenses immunitaires. Cet effet est parfois nécessaire lorsque surviennent des réactions immunitaires excessives et/ou erratiques (comme dans le cas des réactions allergiques ou auto-immunes…). Ces molécules doivent être prescrites en ayant conscience qu’elles impliquent un affaiblissement des défenses immunitaires chez le patient traité.  Question de balance bénéfice/inconvénient.

 

Différents stades COVID

Concernant la (le) Covid-19, on sait désormais qu’il existe plusieurs phases à la maladie:

  • infection par le virus (phase infectieuse: intrusion et réplication du virus dans l’organisme),
  • réaction immunologique (fameux « orage cytokinique »),
  • syndrome de détresse respiratoire, de coagulopathie.

 

Un protocole non éthique

RECOVERY a étudié les différents traitements aux différents stades de la maladie.

Y compris pour la Dexamethasone !

Ce qui veut dire:

1/ Qu’il a été donné de la Dexamethasone (un corticoide immunosuppresseur) à un stade précoce d’infection par un micro-organisme pathogène (ici, le virus du SARS-CoV-2). Cette décision est prise à l’encontre du bon sens médical et contrevient aux recommandations fondamentales en maladie infectieuse. Ici, la brillante étude (contre placebo) mène à intervenir sur des sujets malades, d’une façon qu’on sait d’ores et déjà leur être délétère !

2/ Qu‘il n’a pas été donné de Dexamethasone à des patients présentant un emballement de réactions immunologiques, potentiellement mortelles, qui constituent le véritable danger du Covid-19. En effet, les patients qui ont eu la « malchance » d’appartenir au groupe placebo, n’ont pas pu bénéficier de l’effet anti-inflammatoire et immunosuppresseur de la Dexamethasone. Alors, qu’on sait pertinemment (sans besoin d’étude supplémentaire) qu’elle constitue le recours thérapeutique de première intention. Indispensable dans une telle situation !

 

Au total:

Comment un tel protocole de recherche a-t’-il pu être validé par une commission d’éthique ?

Les données actuelles de la science sont suffisantes pour déterminer qu’on ne doit pas traiter par corticoïdes quelqu’un qui présente un état infectieux contre lequel son corps est en train de se défendre.

Les mêmes principes de base permettent d’établir sans équivoque que délivrer un placebo à une personne présentant un état de dysrégulation immunologique (potentiellement mortelle) alors qu’il devrait être traité par immunosuppresseur est une faute médicale grave.

Cette étude a exposé délibérément les sujets à un risque connu d’aggravation pour certains des participants et une perte de chance de guérison pour d’autres.

Le hasard de la randomisation a décidé quels seraient les patients qui subiraient des interventions dont on sait manifestement qu’elles leur seront potentiellement dommageables.

 

Les donneurs de leçons restent étonnamment silencieux

Et pendant ce temps, une certaine élite intellectuelle continue de débattre (et d’ironiser) sur les biais et les limites des études observationnelles publiées par l’IHU tout au long de l’épidémie. Parmi les médecins, certains s’offusquent du « danger » que le Pr Raoult aurait fait courir aux malades du Covid-19 en leur administrant précocement pendant 10 jours une association de chloroquine + azithromycin.

La médecine ne se joue pas au poker… soutenaient les partisans du Primum non nocere. Le paradoxe est que leur philosophie du risque zéro paraît autoriser que l’on nuise délibérément aux patients dès lors qu’on connaît précisément les conséquences des actes pratiquées. Et surtout, dès lors qu’on respecte bien la mé-tho-do-lo-gie.

Un retour au fondements de la médecine est urgent. N’en déplaise aux mathématiciens.

 

 

Références:

Site officiel sur l’Etude Recovery

Le risque infectieux inhérent aux corticoïdes

Le traitement des maladies auto-immunes

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