« Et surtout la Santé ! » : Et si les commodités sociales avaient raison concernant le Bonheur ?

Qu’est-ce qui rend certaines personnes et certains pays plus heureux que d’autres? Est-ce corrélé au niveau de richesse personnelle, à la notion d’étayage social, à la liberté d’expression ? Le bonheur passe-t’il par la recherche d’une vie plus saine ?

Les stratégies d’accès au bonheur varient aussi largement que la définition du bonheur elle-même. 

La mesure du niveau de bonheur, individuel ou national, via le recueil d’indices de bien-être, est sujette à débat. En traitant du vieillissement en 2014, dans The Lancet, Andrew Steptoe et ses collaborateurs distinguaient trois aspects au bien-être : la satisfaction de vie (aspect évaluatif), la joie et/ou la tristesse ressenties récemment (aspect hédonique), et la quête d’objectifs de vie (eudémonisme). Au delà de ces considérations, la notion de bonheur est de toute façon reconnue comme un concept important dans la politique publique mondiale. L’O.N.U a déclaré le 20 Mars comme la Journée internationale du bonheur. Le gouvernement du Bhoutan utilise un index de bonheur national brut. Le Bhoutan, l’Équateur, les Émirats Arabes Unis, et le Venezuela ont nommé au sein de leurs gouvernements respectifs un ministre du bonheur. Les efforts visant à évaluer et à améliorer le bien-être pourraient [en utilisant des indicateurs plus larges que la simple mesure du revenu, de la pauvreté, la santé, l’éducation et la bonne gouvernance vus séparément] aider les pays à mieux comprendre (et à améliorer) ce qui importe vraiment aux gens.

Le 4ème Rapport Mondial sur le Bonheur, publié le 16 Mars 2016, vise à étudier la validité scientifique de l’évaluation du bonheur et à améliorer la compréhension du bien-être subjectif. Les enquêtes annuelles menées par le Gallup World Poll* permettent d’exploiter des données d’évaluation sur la qualité de vie des individus, par un recueil auprès de 1000 personnes interrogées pays par pays, sur un total de 157 pays. Les sondés doivent attribuer une note à leur niveau de satisfaction dans la vie (approche évaluative du bonheur) sur une échelle de 0 à 10 (échelle de Cantril*). La réponse la plus courante est de 5; dans le monde, environ un sixième l’évalue entre 0 et 3 (intervalle le plus bas) et un sixième entre 8 et 10 (intervalle le plus haut). On étudie d’autres variables pour tenir compte des différences des satisfaction dans la vie entre les nations : produit intérieur brut (P.I.B) par habitant, niveau d’aide sociale, espérance de vie en bonne santé, liberté de faire ses choix de vie, la générosité, et la perception de corruption. La Scandinavie est en tête du classement, alors que le Burundi (qui subit de graves troubles politiques) se positionne en dernier. En Amérique du Nord, en Australie et en Nouvelle-Zélande, 6% des sondés ont répondu dans l’intervalle inférieure (0-3) contre 49% (8-10) se situant à l’extrémité supérieure de l’échelle. A l’extrême opposé, en Afrique sub-saharienne, 32% ont répondu entre 0 et 3 et seulement 7% ont répondu dans l’intervalle [8-10]. Sans grande surprise, cette régression multiple a confirmé que ce score de bonheur moyen national est fortement corrélé  avec le P.I.B et l’espérance de vie en bonne santé. Quant à savoir quel est le facteur qui détermine réellement la satisfaction de vie moyenne de ces pays, l’analyse s’avère moins aisée.

Richard Peto, de l’Université d’Oxford au Royaume-Uni, a déclaré dans The Lancet que « les régressions multiples masquent en fait la grossièreté de la mesure ». Par conséquent, il est difficile de tirer des conclusions nationales globales, au-delà de ce qu’on peut tirer déjà des données sociales, économiques et d’espérance de vie.

En outre, d’un point de vue purement médical, Bette Liu et ses collaborateurs ont récemment prouvé par l’étude prospective britannique « Million Women Study » que, bien qu’une maladie chronique provoque le malheur, le malheur lui-même n’a pas d’effet direct prouvé sur la mortalité (sauf s’il conduit à un comportement de santé dommageable, comme le tabagisme). Après prise en compte (pour ajustement) des différences en terme de santé et de mode de vie, le taux global de mortalité chez les personnes qui ont déclaré être malheureux était le même que le taux de mortalité chez ceux qui ne le déclarait pas. Des recherches supplémentaires restent nécessaires pour généraliser ces résultats à d’autres cultures et pour les extrapoler aux différentes classes d’âge et aux deux sexes.

Dans ce contexte, propice à approfondir la compréhension globale de l’étude du bonheur et de la santé, The Lancet identifie deux domaines sur lesquels l’attention devrait se porter en priorité :

des mesures de réduction des décès prématurés dans le monde doivent être prises. En 2015, Ole Norheim et ses collaborateurs ont montré qu’en maintenant un effort international, le nombre de décès prématurés (décès dans l’enfance ou avant l’âge de 70 ans) pourrait être réduit de 40% en 2030, là où la mortalité n’est pas dominée par les nouvelles épidémies, des troubles politiques, ou des catastrophes naturelles. Poursuivre les efforts pour atteindre les cibles des Objectifs du Millénaire pour le développement, les maladies non transmissibles et les blessures, permettra d’améliorer l’espérance de vie en bonne santé, et contribuera à améliorer le bien-être individuel et collectif.

il est essentiel de réduire les inégalités en matière d’accès aux soins de santé, y compris de santé mentale, au sein et entre les pays. Le « Rapport Mondial du Bonheur » 2016 indique que certaines régions ont progressivement connu, ces dernières années, une augmentation des inégalités en bonheur. Le Global Burden of Disease (charge mondiale de morbidité) de 2013 établissait que les troubles mentaux et la toxicomanie (y compris le tabac et l’alcool) sont les principales causes d’années de vie perdues, en terme de mort prématurée et d’invalidité.

 

Une meilleure compréhension de l’association entre le bonheur et la santé devrait contribuer au progrès du développement durable. Les indices de bien-être général ne doivent pas masquer la nécessité de poursuivre les progrès dans la lutte contre la maladie, la maladie mentale, et la mort prématurée.

Sans la vie, il n’y a pas de bonheur à réaliser.

 

Ref.The Lancet – Editorial Health and happiness Vol 387 March 26, 2016

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